La déontologie de présentation des sondages pose question !
Les instituts de sondage sont des entreprises sérieuses avec une déontologie sans faille et rigoureusement suivie. Cela confère à leurs discours une aura de crédibilité dont usent et abusent leurs clients pour légitimer un discours. Le biais cognitif est simple : puisque les statistiques sont l’outil principal des sondages et, en même temps, une branche des mathématiques, les résultats sont aussi fiables que Thalès et Pythagore réunis. Sauf que...
Sauf que ces instituts de sondage sont des entreprises commerciales qui doivent satisfaire leurs clients. Comme les agences de notation.
En général, la technique est simple : il suffit d’orienter la réponse en formulant d’une certaine manière la question. Par exemple, si vous posez la question de l’égalité d’accès aux techniques procréatives entre les femmes en couples et les couples mixtes, la bienveillance irréfléchie des sondés montrera qu’une partie non négligeable de l’opinion est favorable à l’extension de la PMA. Si l’on pose la question en faisant envisager aux sondés le fait de priver un enfant à naître de père et de la filiation biologique qui va avec, l’opinion devient très massivement hostile à cette même PMA sans père. Ainsi se répondent promoteurs et détracteurs comme dans une partie de ping-pong, le même institut de sondage signant parfois à moins d’un mois d’intervalle deux études aux résultats si divergents.
Quand les résultats ne satisfont pas le client, un institut pourrait-il user d’artifices dans la présentation des résultats ? Serait-ce le cas avec l’étude demandée par Avostart à l'IFOP sur l’ensauvagement de la société et publiée le 7 septembre 2020 ? Une question portait sur la perception de la sévérité de la justice : « Avez-vous l’impression que les jugements et les peines prononcées par la justice française sont trop, pas assez ou suffisamment sévères dans chacun des domaines suivants ? » Les histogrammes publiés dans l’étude elle-même semblent respecter la proportionnalité que le lecteur est en droit d’attendre. Par contre, le visuel qui accompagne le tweet publié par le compte @IfopOpinion semble poser un problème. Voyez-vous même :
Petit exercice au doigt mouillé en téléchargeant et en ouvrant l’image dans le logiciel Paint de Microsoft et en comptant les pixels de la largeur de chacune des zones de la première barre. Pour les 7 ; 1 et 5 % des suffisamment sévères, trop sévères et ne sait pas, la largeur représentant une quotité de 1 % est comprise entre 11 et 14 pixels. Pour représenter les pas assez sévères, il suffit de 2,25 pixels. Soit plus de 5 fois moins. La ficelle est un peu grosse.
Un paradoxe : des avocats devraient être fiers du travail effectué ! Si les peines infligées par les tribunaux sont jugées insuffisantes par la majorité des sondés, c’est qu’ils ont travaillé efficacement à les réduire. Dès lors, pourquoi vouloir occulter ce brillant résultat ? Est-il besoin de commenter l’aspect éthique de cette communication ?
Trois petites perfidies pour conclure.
Michel Onfray disait, dans une vidéo récente, sur BFM TV : « Je ne crois pas à la communication. ». Nous partageons donc ensemble un agnosticisme.
Nassim Nicholas Taleb a pulvérisé la loi de Gauss dans son ouvrage Le Cygne noir, mais il y a encore des gens pour avoir une foi de charbonnier envers les statistiques.
Un institut de sondage concurrent avait recruté une ex-ministre, Najat Vallaud-Belkacem, qui s’était révélée incapable de définir une hypoténuse. Des bons matheux en plus d’être des gens honnêtes.
Et laissons le mot de la fin à Sir Winston Churchill. « I only believe in statistics that I doctored myself » (« Je ne crois qu’aux statistiques que j’ai moi-même falsifiées »).
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