Jeff Koons : record de vente pour 91 millions de dollars… et ses Tulips bientôt sur les Champs-Élysées !

lapin jeff koones

Dans la fureur des manifestations du printemps, la chose est passée inaperçue. Nos édiles municipaux ont préféré « faire museau », comme on dit, tant il est vrai que l’étalage d’un tel gaspillage de fonds risquait de jeter encore de l’huile sur le feu.

C’était donc le 22 mars dernier, juste après le samedi d’émeutes, incendie du Fouquet’s et du voisinage. On nous avisait, fort discrètement, que la Commission des sites – organisme officiel tant redouté de quiconque envisage de repeindre ses persiennes ou changer le garde-corps de son balcon – venait d’autoriser l’installation du Bouquet of Tulips, cadeau empoisonné du dénommé Jeff Koons, au bas des Champs-Élysées. Décision qui enchante la mairie de Paris et le ministère de la Culture.

Pour mémoire, on rappellera que ce n’est en rien un cadeau puisqu’il nous revient de payer les frais de la construction et de l’installation de cette masse de 33 tonnes et 12 mètres de haut, représentant une main tenant un bouquet de tulipes (à condition d’avoir une forte imagination, car les tulipes en question ressemblent plutôt à des préservatifs crevés…) aux couleurs acidulées. Jeff Koons nous a offert « son idée », qu’il dit, à la suite des attentats de 2015. Il aurait pu se la garder, ça nous aurait fait des économies.

Ce monument de l’insignifiance au prix du platine va donc trôner au bas des Champs-Élysées, derrière le Petit Palais. Il viendra compléter harmonieusement, nous assure-t-on, ces autres monuments de l’insignifiance que sont les nouvelles fontaines des frères Bouroullec, lesquelles – pardon messieurs – évoquent davantage la miction d’un appareil urinaire atteint de prostatite aiguë que les grandes eaux de Versailles…

Les tulipes de Jeff Koons sont en cours de finition dans un atelier en Allemagne. Deutsche Qualität… Il faut croire qu’on n’a même pas été foutu de produire ça chez nous !

Elles seront inaugurées en juillet prochain avec les six machines à pipi.

Il ne faudrait pas, d'ailleurs, que certains gilets jaunes, lassés de brûler les kiosques à journaux, et voulant casser les symboles d’un capitalisme fou, aillent dézinguer les tulipes de ce pape du « style kitsch néo-pop », figure emblématique de l’escroquerie contemporaine. Elles sont si précieuses, ça serait très embêtant. Car Jeff Koons peut s’enorgueillir d’avoir repris sa première place dans le classement de l’artiste contemporain le plus cher du monde. Son lapin (Rabbit), même pas œuvre unique puisqu’il s’agit d’une série de trois pièces, a été adjugé à New York, mercredi dernier, pour la modique somme de 91,075 millions de dollars.

Le patron de la maison Christie’s, Alex Rotter, l’a clamé à la face du monde : « Rabbit est la pièce la plus importante de Jeff Koons », ajoutant : « J'irai même plus loin, c'est la sculpture la plus importante de la seconde moitié du XXe siècle. C'est la fin de la sculpture. C'est l'anti-David, comme je l'appelle » (référence au chef d'œuvre de Michel-Ange).

S’il y a quelque chose de vrai, dans ce baratin pompeux, c’est la fin de la sculpture. Rotter pourrait ajouter l’avènement des faisans, l’apothéose des cuistres, la soumission totale des institutionnels et de l’art officiel au marché… Car le « cadeau » de Koons n’est qu’un geste de tradition pour remercier la France (Jean-Jacques Aillagon, en l’occurrence) de lui avoir ouvert en grand les portes de Versailles et de Beaubourg, occasion pour lui et les marchands d’art de s’en mettre plein la caisse. Mais les contribuables français, eux, n’ont jamais rien tiré de la queue du chien ou de celle du homard.

Les tulipes devaient, initialement, être installées entre le Musée d’art moderne de la ville de Paris et le Palais de Tokyo, juste en face de la tour Eiffel. On aura au moins évité cela…

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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