Italie : vers une situation migratoire explosive
2.128 clandestins, des hommes pour leur très grande majorité, ont débarqué à Lampedusa, ces dernières 24 heures, à bord d’une vingtaine d’embarcations. Ils sont originaires de Tunisie, d’Afrique subsaharienne et du Bangladesh. Depuis le début de l’année, les autorités italiennes ont enregistré plus de 12.000 arrivées ; ce chiffre ne tient évidemment pas compte des débarquements « fantômes ».
L’Italie, au bord du gouffre social et financier, avec à sa tête un gouvernement de coalition dirigé par Mario Draghi, commençait avec la très progressive levée des restrictions à voir le bout du tunnel de cette pandémie. C’est dire si ces arrivées massives, qui laissent augurer d’un flux continu qui pourrait aller en s’intensifiant, font la une de tous les médias.
Le modeste hotspot de Contrada Imbriacola, près d’Agrigente, explose, il ne peut contenir que deux cents migrants, de façon temporaire… Ces dernières heures, l’urgence était de trouver un nombre de tests Covid en quantité suffisante, de mobiliser les navires quarantaines, avant de transférer les nouveaux arrivés sur le continent.
L’Italie, en proie depuis 18 mois à des restrictions drastiques des libertés publiques, qui compte près d’un million de nouveaux pauvres, voit, une fois encore, l’Union européenne détourner lâchement le regard de ce qui promet d’être - crise économique aidant - la future grande vague migratoire.
Matteo Salvini est rapidement monté au créneau : échangeant avec l’actuel ministre de l’Intérieur Luciana Lamorgese, « dans un esprit de collaboration », il réclame une rencontre avec Mario Draghi. Ce dernier, qui prévoit sur le front migratoire « un été difficile », voudra vraisemblablement adopter la ligne suivante : exhumer l’accord de Malte de 2019 qui prévoyait la répartition des clandestins dans les pays volontaires. Cet accord, temporaire, avait été signé par Malte, l’Italie, la Finlande, l’Allemagne et… la France. Accord qui devait être un premier pas vers une réforme en profondeur des accords de Dublin par l’Union européenne, ce qui n’a évidemment pas eu lieu. On comprend, dès lors, la réaction de Matteo Salvini : « Si on attend la solidarité européenne, je pense que cela finira comme pour les vaccins, c’est-à-dire dans le néant. » À Mario Draghi, « nous demanderons que l’Italie se comporte comme se comportent l’Espagne, la Grèce et la France. Il n’y a dans aucun autre pays les chiffres, les dimensions, et les problèmes que nous avons en Italie. Les autres pays n’attendent pas l’Europe, mais défendent leurs propres territoires, de leur plein droit. »
On ajoutera que la situation n’est pas meilleure en France ; elle a même quelques années d’avance sur l’Italie sur le collapsus migratoire, avec son cortège de violences, de crise d’identité, d’évolution de population, de fractures entre Français…
Quoi qu’il en soit, la question migratoire est un test pour Mario Draghi : a-t-il raison de faire crédit à l’Union européenne sur le sujet en escomptant, comme son allié Enrico Letta (Partito Democratico, gauche), que la solidarité européenne joue ? À voir la calamiteuse gestion de crise de ces dix-huit derniers mois, ce serait bien naïf.
Sur ce sujet, il y a fort à parier que les alliés de la coalition gouvernementale italienne se déchirent. Les événements de ce week-end ont ressoudé les trois partis du centre droit : Giorgia Meloni demande d’établir un blocus naval, le vice-président de la Chambre des députés, Fabio Rampelli (Fratelli d’Italia), a averti : « Nous sommes face à une invasion qui peut devenir incontrôlable. » Et, comparant à la crise des 2015, il ajoute : « Maintenant, ce serait encore plus grave avec une pandémie en cours et une crise économique qui ne supporte pas la superficialité. » Du côté de Forza Italia, on prévient que ce pourrait être « le premier signal de ce qui pourra survenir pendant les prochains mois, et ce serait une erreur gravissime de sous-évaluer l’alarme lancée par Frontex sur la vague massive de migrants clandestins (à venir) d’Afrique du Nord, en concomitance avec l’assouplissement des restrictions anti-Covid, avec l’Italie pour unique destination. »
Cette crise migratoire qui semble se profiler sera donc un test de résistance pour le très hétéroclite gouvernement Draghi, mais aussi pour la crédibilité de l’Union euopéenne.
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