Depuis un an, Donald Trump veut torpiller l’accord conclu avec l’Iran par les États-Unis, l’Europe, la Chine et la Russie. Vendredi dernier, il était censé le dénoncer définitivement, avant de faire volte-face, laissant quatre mois de sursis à Téhéran, histoire de négocier on ne sait plus trop bien quoi.

À Barack Obama, il reprochait d’être trop tourné vers l’extérieur et pas assez vers l’intérieur ; bref, de négliger les intérêts américains. Mais le pétulant président défend-il vraiment ces derniers en voulant mettre fin à l’accord en question ? Rien n’est mois sûr. Car, pour le moment, les seuls intérêts qu’il défende sont ceux des Saoudiens et des Israéliens, inquiets à titre plus ou moins légitime de la montée en puissance de Téhéran.

La position de Riyad est la plus compréhensible, même si ce n’est pas son intégrité territoriale qui est en péril, seulement son leadership régional. Celle de Tel Aviv l’est déjà moins. Nonobstant les gesticulations oratoires de Benyamin Netanyahou, personne de sérieux, que ce soit au Shin Beth, au Mossad ou à l’état-major de Tsahal, ne croit que l’Iran, s’il détenait un jour l’arme nucléaire, tenterait de rayer Israël de la carte, sachant qu’il serait vitrifié dans la minute.

Là où Donald Trump persiste à s’aveugler, volontairement ou non, c’est quand il affirme que l’Iran "déstabilise le Moyen-Orient" et fait figure de "premier soutien du terrorisme au monde"… À l’inverse de certains de nos confrères, on ne dira pas qu’il est « fou », mais qu’il revient seulement à la vision des néoconservateurs, républicains comme démocrates, qui avaient dû en rabattre durant les deux mandats de Barack Obama.

Si ce messianisme, profondément ancré dans la psyché américaine, ne s’apparente pas à de la folie, admettons néanmoins qu’il puisse empêcher parfois de raison garder et procurer une vision du monde hautement hallucinogène. Car s’il est bien une nation qui « déstabilise le Moyen-Orient » depuis des décennies, il s’agit bel et bien des États-Unis, avec au moins deux guerres en Irak au compteur depuis 1990, lesquelles furent déclenchées grâce à des fake news pour le moins voyantes.

Quant au « soutien au terrorisme », quel fut le berceau de la nébuleuse islamiste, d’Al-Qaïda à Daech en passant par le Front al-Nosra, si ce n’est celui sur lequel se sont penchées les deux fées américaine et saoudienne, ce, depuis la guerre d’Afghanistan en 1979 ? Dans le même temps, la seule implication iranienne dans le terrorisme a, précisément, consisté à le combattre avec ses alliés syriens, russes et libanais. C’est une vieille ruse sémantique d’accuser l’adversaire de ses propres turpitudes ; mais, en la matière, Donald Trump se révèle piètre dialecticien, si ce n’est dialecticien "de merde", pour reprendre une rhétorique qu’il affectionne.

Et, toujours dans le registre de l’arroseur arrosé, lui qui se targue, comme dit plus haut, de promouvoir les intérêts américains, il ruinerait plutôt ceux de ces entreprises américaines louchant sur le marché iranien tout en contribuant à la détestation mondiale d’un pays qui n’était déjà que modérément populaire.

À propos de ces « pays de merde » que Donald Trump est si prompt à insulter, laissons-le plutôt méditer cette phrase d’Henry de Montherlant, issue de son livre Le Chaos et la Nuit (1963) : "Une seule nation qui parvient à faire baisser l’intelligence, la moralité, la qualité de l’homme sur presque toute la surface de la terre, cela ne s’est jamais vu depuis que le globe existe. J’accuse les États-Unis d’être en état constant de crime contre l’humanité."

C’est peut-être un peu exagéré. Mais finalement pas tant que ça.

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15 janvier 2018 à 20:46

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