Elle a un nom, une chevelure et un sourire qui me rappellent davantage les rêves échevelés de ma lecture des romans arthuriens que les ronds-points et les élections européennes de la France de 2019. D'ailleurs, elle est de l'Eure, presque la Bretagne et la forêt de Brocéliande. Il est vrai qu'on la verrait très bien dans l'adaptation d'un roman de la Table ronde avec Mel Gibson. En fée Viviane ? En Guenièvre ? Comme vous voulez, selon que vous pencherez pour ses charmes ou sa trahison. Eh bien, non, elle a choisi la politique, avec ce projet de liste RIC pour les européennes.

Chez les gilets jaunes, on hurle au piège ou à la trahison, comme Évelyne Libéral, chez Léa Salamé. Et au Rassemblement national, on crie à la récupération et à la manipulation. Il est vrai que les ficelles sont grosses, comme l'a bien vu Nicolas Gauthier.

Mais est-ce bien étonnant ? Qu'une gilet jaune, qui a avoué avoir voté Emmanuel Macron, entre en politique avec la bénédiction de tous les chevaliers macroniens - Griveaux et Schiappa en tête -, cela correspond à l'essence même du macronisme.

D'où est sorti ce Président atypique ? Du socialisme façon Hollande. Hollande s'effondrait, le PS avec lui, l'heure était grave : Emmanuel Macron a surgi pour sauver la mise. Un projet qui vole le constat à l'opposition, un acronyme (EM) qui disait tellement de choses, un mouvement nouveau, très horizontal, très Internet, un matraquage médiatique intense, et voilà : Macron Président. Emmanuel Macron avait rallié à lui des socialistes, des chiraquiens, et même obtenu, un temps, le soutien d'un Philippe de Villiers. Et, dans les sondages, l'électorat de droite et du Rassemblement national n'était pas insensible à certaines de ses déclarations. Il ratissait très large. Alors, pourquoi pas des gilets jaunes aujourd'hui ?

C'est l'ADN du macronisme : absorber toute opposition, lui couper l'herbe sous le pied. Aujourd'hui, rebelote : Macron s'effondre ? Même recette. On vole le RIC. On détourne l'acronyme. On en fait une liste. On lance de nouveau une plate-forme 2.0 baptisée « le grand débat national ». Et c'est reparti pour un tour. Les Français n'y verront que du feu ; ça leur redonnera « la pêche », comme l'a dit, vendredi soir, Édouard Philippe. Et ça permettra au pouvoir de limiter la casse aux élections.

Un vavasseur, d'après mes souvenirs d'ancien français, c'était, sous sa forme "vavassor", le « vassal des vassaux », le vassal d'un chevalier, un petit vassal. Il y en avait de toutes sortes, dans le roman du Graal en prose. Des gentils et des méchants. Ingrid Levavasseur est l'une de ces gentilles vassales d'Emmanuel Macron. Mais les gilets jaunes, et le reste des Français, sont-ils vraiment prêts à réintégrer la féodalité 2.0 voulue par Emmanuel Macron, même guidés par le charme de la fée Ingrid Levavasseur ?

À la cour, on essaie d'y croire.

En cet hiver 2019, on devrait relire le dernier tome du Livre du Graal en prose, La Mort du roi Arthur. On y croise des fées et des vavasseurs mais, surtout, on y assiste à l'apocalypse de la bataille de Salesbières, à la mort du roi, de Lancelot et de moult chevaliers. De quelques traîtres, aussi.

Et à l'élection d'un nouveau roi. L'espérance est sauve.

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26 janvier 2019 à 13:17

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