Information pas si neutre que ça : les Suisses nous renvoient-ils leurs immigrés clandestins en TGV ?

train suisse

La Suisse est un peu patrie des fromages. Certes, il y a le chaource, traditionnellement fabriqué dans l’Aube, mais le chafouin paraît être une autre spécialité helvétique, à en juger de ces 41 immigrés clandestins afghans, attrapés en gare de Lyon, à bord d’un TGV venant de Zurich et dont les billets aller (sans retour) auraient été payés par ce pays connu pour avoir inventé le coucou, Jean-Luc Godard et la démocratie.

Berne juge, évidemment, ce scénario « peu vraisemblable », tandis qu’en France, à en croire Le Parisien du 4 décembre, il est affirmé, ministère de l’Intérieur dixit, que « si les faits étaient avérés, ce serait inacceptable ». En revanche, il semble tout à fait « acceptable » que tout ce joli petit monde ait été illico conduit dans un centre d’hébergement. Faut-il pour autant en attendre une crise diplomatique avec le pays de la vache mauve de Milka™ ? Bien sûr que non.

Car cela n’est finalement que du carnaval, la preuve par l’édition 2018 du Festival de Cannes à l’occasion de laquelle Cédric Herrou, activiste d’extrême gauche, gravissait le tapis rouge montant au palais pour son documentaire, Libre, consacré à ces mêmes immigrés clandestins.

Peu de temps après, d’autres activistes - ceux de Génération identitaire, pour ne pas les nommer - étaient dissous. Drôle de France, dans laquelle ceux qui aident à faire respecter la loi républicaine en se postant aux frontières, histoire de repousser la vague migratoire, sont persécutés, alors que la même loi républicaine permet à ceux qui la profanent d’être honorés dans le sanctuaire du cinéma français. Dans un cas, on trinque au champagne avec Sharon Stone ; dans l’autre, c’est la soupe populaire pour cause de mort sociale. Comprenne qui pourra…

Après, il est vrai que la métaphore du chemin de fer demeure lourde de sous-entendus, évoquant les heures les moins lumineuses de notre Histoire. Le défunt Charles Pasqua en sait quelque chose, ayant osé affirmer, alors patron de la Place Beauvau, en 1986, après avoir tenté de renvoyer les immigrés clandestins en charter dans leurs pénates d’origines : « Mes détracteurs ont commencé à s’opposer aux charters. La police de l'air a négocié avec la SNCF, on a parlé de train de la honte. Si on décidait d’utiliser les bateaux, on évoquerait l’Exodus. Il ne nous reste donc, en réalité, que l’autobus ou le vélo ! »

Dix ans plus tard, on pouvait lire ceci dans Le Monde, en pleine euphorie post-apartheid, alors qu’un Nelson Mandela, à peine libéré, tentait de présider aux destinées hasardeuses de l’Afrique du Sud : « La présence de quatre millions de clandestins constitue un lourd fardeau au moment où la croissance sans précédent de ces dernières années connaît un ralentissement. […] La présence de ces clandestins ne fait qu’exacerber la course à l’emploi. Souvent peu qualifiés, mais peu enclins à se syndiquer et faciles à renvoyer […] Ce, d’autant plus qu’ils acceptent de travailler pour des salaires bien plus bas que ceux des Sud-Africains. » Tiens donc… De l’Afrique du Sud d’alors à la France d’aujourd’hui, il n’y a pas la moitié d’une virgule à changer à ce constat. Et l’honorable quotidien vespéral de conclure : « Ces immigrés clandestins entrent en concurrence pour l’accès aux infrastructures en matière de logement, santé et éducation, encore largement insuffisantes pour satisfaire les besoins de la population locale. »

Nelson Mandela, tout prix Nobel de la paix qu'il était, a dû s'atteler à la tâche et reconduire 150.000 clandestins à la frontière. Nous étions en 1995... Personne ne s’était alors insurgé. L’habituel train-train, dira-t-on.

 

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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