[HISTOIRE] Royauté et sainteté, un lien millénaire

Saint Louis

Au cours de l'Histoire, le lien entre royauté et sainteté a toujours été étroit. Si certains monarques se sont parfois égarés et ont penché du côté du Diable, d'autres ont su mener des vies en accord avec Dieu et les dogmes de l'Église catholique. Parmi ces pieux souverains figure le roi des Belges, Baudouin, dont le procès en béatification a été annoncé par le pape François le 28 septembre. Cette démarche souligne ainsi, pour ceux qui en douteraient, l'importance incontestable du christianisme au cœur de notre civilisation contemporaine. Par ce processus, Baudouin pourrait s'ajouter à la longue liste des monarques déclarés saints ou bienheureux, dont l'exemple demeure une source d'inspiration pour ceux qui aspirent à gouverner avec sagesse et vertu.

Louis IX, le saint capétien

Nul ne peut évoquer un saint roi sans penser à Louis IX. Couronné en 1226, il consacre son règne à la promotion de la paix et de la morale chrétienne, valeurs qui lui furent soigneusement inculquées par sa mère, Blanche de Castille. Cette dernière n'a ainsi pas hésité à lui dire : « Mon fils, j'aimerais mieux vous voir mort que coupable d'un seul péché mortel », et lui rappelant qu'« un roi illettré est un âne couronné ». Fort de cette éducation chrétienne, Louis IX instaure des réformes judiciaires, favorisant l'équité et l'accès à la justice pour tous, qu'il exerce, selon l'image d'Épinal, sous un chêne verdoyant. Le roi de France fait également preuve d'humilité, de charité et de simplicité. Lors de banquets, il n'hésite pas à affadir ses plats et à réserver les meilleures portions aux pauvres. Louis IX fonde également la Sainte-Chapelle à Paris, un reliquaire monumental qui abrite en son cœur des reliques sacrées telles que la couronne d'épines portée par le Christ et un fragment de la Sainte Croix. Poussé par sa profonde foi, il entreprend aussi deux croisades, en 1248 et en 1270. C'est lors de cette dernière qu'il décède, loin des fastes du pouvoir, sur un lit de cendres. Canonisé en 1297, Saint Louis demeure un ardent exemple de dévotion aux valeurs chrétiennes qui ont façonné la France.

Sainte Clotilde, reine des Francs

Cependant, s'il existe de saints rois, il convient de rappeler qu'il y a également de saintes reines, dont certaines comptent parmi les premiers souverains chrétiens de France, à l'image de sainte Clotilde. Ancienne princesse burgonde devenue reine des Francs par son mariage avec Clovis, elle joue un rôle crucial dans la christianisation de son peuple, en commençant par son propre époux. Avec l'aide de saint Remi, évêque de Reims, elle convainc Clovis de se faire baptiser, surtout après que celui-ci, suite à sa victoire à la bataille de Tolbiac en 496, a juré : « Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me ferai chrétien. » Profondément dévote, la reine Clotilde profite de son statut pour soutenir la fondation et la construction de nombreuses églises et monastères, renforçant ainsi la foi chrétienne et l’évangélisation chez les Francs. Attirée par la vie monastique, après la mort de Clovis, elle se retire dans un monastère près de Tours, où elle consacre la fin de sa vie à la prière jusqu'à son décès en 545. Son exemple inspirera d'autres souveraines, dont sa belle-fille, sainte Radegonde, qui suivra un chemin similaire. Sainte Clotilde reste ainsi à jamais la sainte patronne et mère de la France chrétienne.

Charles Ier de Habsbourg, l’empereur de la paix

Rois et reines ne sont pas immédiatement canonisés, car ce processus exige du temps et que des miracles soient avérés et reconnus par l’Église. En attendant, de pieux monarques peuvent être déclarés bienheureux en reconnaissance de leurs actions remarquables. L'un des souverains récents à avoir reçu cette grâce de la béatification et en attente de canonisation est Charles Ier de Habsbourg-Lorraine. Devenu empereur d'Autriche et roi de Hongrie en 1916, en pleine Première Guerre mondiale, il s'efforça en vain de rétablir la paix en Europe en privilégiant le dialogue et la diplomatie, avec le soutien du pape Benoît XV. Sa politique, opposée à celle des autres puissances belligérantes qui recherchaient une victoire sans compromis, était motivée par ses profondes convictions catholiques et son souci de préserver la vie humaine.
Cependant, Charles Ier dut également affronter la chute des empires européens, ce qui le conduisit à l'exil avec sa famille. Vivant humblement, il succombe à une maladie en 1922, laissant derrière lui une veuve et huit enfants. Béatifié en 2004 par le pape Jean-Paul II, il est reconnu pour son engagement chrétien exemplaire et ses efforts inlassables pour la paix, incarnant ainsi les valeurs d'un souverain dévoué au bien commun. Son petit-fils, l'archiduc Georges de Habsbourg-Lorraine, ambassadeur de Hongrie en France, le décrivait en 2022 dans le magazine Dynastie comme « très religieux et [qui] puisait une grande force dans sa religion. Il avait une grande confiance en Dieu et dans la prière. C’était un homme très optimiste, car il était toujours en contact avec Dieu par la prière. » À la question de savoir si Charles Ier pouvait être un modèle pour l'Europe, l'archiduc a répondu simplement : « Quand [Jean Paul II] a béatifié mon grand-père, il a donné sa vie en exemple. »

Par leurs béatifications et canonisations, l’Église catholique cherche à mettre en lumière l’exemplarité de ces souverains, dont la vie fut intimement liée au destin de l’Europe et, parfois, du monde entier. Ces monarques, bien qu’investis de pouvoirs temporels considérables, ont su incarner les valeurs chrétiennes de charité, d’humilité et de justice, faisant de leur règne un service à la fois spirituel et politique. Ainsi, l’Église nous rappelle que la responsabilité de gouverner doit être exercée avec une conscience morale élevée, inspirée par la foi et le souci du bien commun.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

8 commentaires

  1. Davantage que ces célèbres souverains exemplaires, j’avoue conserver une grande admiration pour Jean II le Bon (1350-1364). Vaincu par les Anglais au cours de la bataille de Poitiers, où son fils Philippe gagna son surnom de « hardi » (Père gardez-vous à gauche, père gardez-vous à droite), emprisonné en Angleterre, il fut autorisé à revenir en France collectionner sa rançon, remplacé par deux de ses fils comme otages. Ces derniers s’étant évadés, il retourna volontairement reprendre sa captivité : « Si la bonne foi était bannie de la terre, elle devrait trouver asile dans le cœur des rois. » Il mourut en angleterre quelques mois plus tard.

  2. Bien sûr, bien sûr….Être un « Saint » c’est comme être un « Éclairé ». Tout dépend de la conformité à une idéologie. Dans les faits…Ce n’est ni nécessairement bon ni le contraire. Tantôt l’un, tantôt l’autre.

  3. J’ai aussi une affection particulière pour Sainte Jeanne de France, fille de Louis XI et reine de France en tant que femme de Louis XII, qui la répudia pour raisons politiques.

  4. C’est vrai que quand on oublie le « Saint Louis » conquérant des Etats du Languedoc et écraseur final des Cathares, on est un « vrai érudit ». Mort de rire , cet article.

  5. N’oublions pas Saint-Cloud, petit-fils de Clotilde, qui refusa d’être roi et Sainte Radégonde, née en Allemagne épouse du roi Clotaire, fils de Clovis. Quant à Saint-Eloi il était le ministre des finances du bon roi Dagobert. Dagobert voulait que la Basilique de Saint-Denis soit la capitale du royaume.

  6. Évidement que Baudoin a été un très grand roi. Mais je reste très dubitatif quant à son petit tour de passe passe : ”je suis là, je suis plus là… Coucou je reviens », pour ne pas apposer sa signature… Pour aller jusqu’au bout de son engagement il aurait dû abdiquer, car malgré tout, une fois revenu, il est resté le garant de l’application de cette loi qu’il n’a pas voulu signer… Désolé, mais j’y vois une forme d’hypocrisie…

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