[Grand format] Italie : le vrai bilan migratoire du gouvernement Meloni

meloni

Les chiffres du ministère de l’Intérieur italien sont affolants : au 31 août dernier, 114.526 clandestins avaient débarqué sur le sol italien (dont 25.684 en août et 23.401 en juillet), contre 58.251 en 2022 et 39.410 en 2021 pour la même période. C’est peu dire que, pour un gouvernement dont les membres, Giorgia Meloni et Fratelli d’Italia en tête, avaient fait campagne sur le blocus naval et autres mesures drastiques pour réprimer l’immigration illégale, le bilan est plutôt mitigé.

Au-delà des reproches et déceptions qui émergent à droite, en Italie mais aussi en France et en Europe, face à cette invasion migratoire incontrôlable et surtout incontrôlée et qui semble se hisser au niveau de la crise de 2015-2016, on peut s’interroger sur les causes de ce bilan en demi-teinte après dix mois au pouvoir. Mais aussi se pencher sur l’action réelle - et non celle mise en avant par le discours médiatique - du gouvernement italien en la matière.

Un bilan mitigé

La première explication, celle que Giorgia Meloni donne dans un livre paru en Italie le 12 septembre, est la suivante : « Le seul moyen est d’arrêter la traite [d’êtres humains par les passeurs, NDLR], de combattre l’immigration illégale et de gérer les flux de l’immigration légale, en toute sécurité. Ainsi de pouvoir aussi garantir à celui qui arrive la vie digne qu’il espérait avoir […] Oui, c’est une entreprise folle parce que nous sommes dans une conjoncture complexe comme jamais auparavant, avec la guerre qui produit ses désastres partout et qui aggrave aussi la crise alimentaire en Afrique, la Libye encore divisée et la Tunisie qui risque l’effondrement, les mercenaires de Wagner qui déstabilisent le Sahel et le fondamentalisme qui gagne du terrain. […] Oui, cela prendra du temps mais nous y arriverons. Je sais bien que sur ce point, le travail du gouvernement semble ne pas porter de fruits, que certains de ceux qui nous ont soutenus commencent à douter de notre sérieux sur cette question. Mais je préfère payer le prix maintenant pour construire des solutions structurelles plutôt que de faire des mesures de propagande qu’elles ne résolvent pas. Pour résoudre ce problème, il faut surtout travailler au niveau international, et Dieu sait si je m’y consacre chaque jour. J’entends souvent dire, de l’opposition et pas seulement, "vous deviez faire le blocus naval et puis on a vu que c’était impossible comme nous le disions". Message facile à véhiculer mais inexact. Bien sûr que vous pouvez le faire, et c’est ce à quoi je travaille. J’ai toujours parlé d’une mission européenne en accord avec les autorités d’Afrique du Nord pour arrêter les départs, ouvrir les hotspots en Afrique, distinguer les réfugiés des migrants économiques, distribuer les réfugiés dans les vingt-sept pays de l’Union. Et pour les migrants économiques, répondre par la formation, les investissements, pour mettre l’Afrique en condition de prospérer grâce à ses immenses richesses. »

Des clandestins par milliers

En attendant, les clandestins arrivent par milliers chaque jour sur les côtes italiennes, plus de 5.000 à Lampedusa répartis dans 110 bateaux pour la seule journée du 12 septembre. Les autorités sont débordées, les clandestins sont partout et, selon la chaîne TGCOM24, l’Allemagne refuse désormais de prendre sa part dans la répartition des migrants et Gérald Darmanin entend renforcer les contrôles à la frontière franco-italienne pour refouler les clandestins nouvellement arrivés en Europe. Il semble qu’en la matière, la défaillance structurelle de l’Union européenne se traduise sur l’immigration par « chacun pour soi ».

C’est donc par plusieurs décrets-lois conjugués à une intense activité diplomatique que Giorgia Meloni s’essaie, dans le cadre de l’Union européenne, de résoudre une forme de quadrature du cercle.

Le décret Cutro (une centaine de migrants morts noyés dans le naufrage de leur embarcation, en février dernier, au large de la ville de Cutro) a donné un sérieux tour de vis à la politique migratoire italienne qui, sous les gouvernements précédents, avaient emprunté la voie d’un laxisme débridé : lutte contre les passeurs (introduction d’un nouveau délit pour « mort ou blessures conséquentes à un délit d’immigration clandestine », peine prévue de 20 à 30 ans), modification du permis de travail, restructuration et modification du système de premier accueil et des centres pour migrants, renforcement des contrôles aux frontières et conditions plus restrictives dans l’attribution de la protection spéciale à titre humanitaire) ainsi que dans l’attribution du permis de séjour accordé aux mineurs non accompagnés lorsqu’ils atteignent la majorité.

Un renforcement de l'immigration légale pour faire reculer les trafics en tout genre

Dans le même temps, Giorgia Meloni a souhaité renforcer l’immigration légale, ce qui est surprenant. Deux raisons à cela : les besoins en main-d’œuvre des entreprises, surtout de saisonniers (le patronat italien, constitué de beaucoup de PME-PMI, soutient dans l’ensemble le gouvernement)… non comblé à cause du déficit, ou plutôt de l’effondrement démographique que connaît l’Italie, sans politique familiale réelle et efficace depuis des décennies. Tout est lié… Ainsi, un plan triennal d’immigration légale est mis en place : 433.000 entrées légales sont prévues d’ici 2025 (136.000 en 2023, 151.000 en 2024 et 165.000 en 2025). Ajoutons que la réduction drastique du revenu citoyen, sorte de RSA, entend également mettre les Italiens qui en bénéficiaient indûment au travail.

Cette stratégie semble vouloir favoriser une immigration légale choisie et espérer faire ainsi reculer l’immigration clandestine et les trafics en tout genre qui l’accompagnent. Sont également privilégiés les travailleurs provenant de pays avec lesquels l’Italie a signé des accords de rapatriement.

Par ailleurs, le décret Sécurité de janvier dernier sera sans doute amendé et durci dans le courant du mois de septembre car, a reconnu le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi, « à court terme, cela ne suffit pas ».

Il se déploiera dans trois directions : la vérification plus stricte de l’âge des mineurs isolés (les tests osseux ont une marge d’erreur et par principe on retenait mineurs ceux dont l’évaluation était litigieuse. Le projet prévoit que le mineur présumé devra maintenant prouver lui-même sa minorité), rendre plus rapide et facile le rapatriement chez eux des migrants violents et dangereux et augmenter le nombre de centres de rétention administrative en vue des retours vers les pays d’origine pour ceux qui ne bénéficient ni du droit d’asile ni du régime de la protection spéciale ou internationale. Pour éviter l’action de magistrats de gauche zélés et la multiplication des recours contre ce décret, chaque disposition est scrupuleusement évaluée sur le plan juridique. Il s’agit évidemment d’éviter ce que Matteo Salvini eut à subir (et subit encore) : il est en effet encore sous le coup d’un procès au pénal pour avoir refusé, pendant 19 jours, le débarquement de 163 clandestins, en 2019, en sa qualité de ministre de l’Intérieur.

Enfin, l’encadrement administratif strict des bateaux des ONG se postant au large de la Libye pour ramener les clandestins sur les côtes italiennes est pleinement entré en vigueur, suscitant la fureur de la gauche italienne. Ainsi, les navires des ONG Sea Watch, Open Arms et Sea-Eye ont été mis à l’arrêt pour non-respect des lois italiennes et soumis à des amendes… que des députés du PD (Parti démocrate, gauche) ont aidé à payer !

Le renfort de la diplomatie

En appui de toutes ces mesures, et malgré l’opposition de la gauche « morale », Giorgia Meloni a développé une intense activité diplomatique, notamment en Tunisie avec le fameux plan Mattei. Selon le ministère de l’Intérieur, quelque 40.000 clandestins auraient été empêchés par les forces de l’ordre tunisiennes d’embarquer sur des rafiots de fortune en direction de l’Italie. Un succès dont le gouvernement Meloni s’enorgueillit, revendiquant d’avoir, au moins sur le plan diplomatique, réussi à faire un peu bouger le moloch bruxellois. Ainsi la conférence de Tunis ou celle de Rome réunissant, en juillet, les acteurs de la zone méditerranéenne, les institutions financières et Ursula von der Leyen (la France brillait par son absence), les investissements en Libye, en Algérie ou en Éthiopie, les échanges avec l’Égypte vont dans ce sens.

Mais seront-ils réellement suivis d’effets ? Les chiffres affolants des jours derniers permettent d’en douter.

On le voit, le bilan migratoire de ces dix premiers mois de gouvernement Meloni est contrasté, si l’on s’en tient aux seuls chiffres. Mais la leader de Fratelli d’Italia et toute la coalition de droite avec elle espèrent bien rester au pouvoir toute la législature, et peut-être même celle d’après. Cette vision, sur le temps long, peut expliquer cet ensemble de mesures plus structurelles que radicales. Il ne faut pas non plus oublier le rôle des magistrats dans l’application (ou non) de cette politique, ni la toute-puissance de l’Union européenne, prompte à donner des leçons et, on l’a vu en Hongrie, à conditionner les mannes du plan de relance au respect de l’« État de droit ».

« Ce n’est que le début », clame Meloni à longueur de colonnes. Elle bénéfice au sein de la population italienne d’un consensus sur son action qui ne s’est pas érodé, bien au contraire. On peut, dès lors, augurer d’une stabilité gouvernementale nouvelle dans la vie institutionnelle italienne. Néanmoins, sur le plan migratoire, l’Europe, et surtout la France, peut-elle encore attendre longtemps ?

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Avec une Europe de Bruxelles favorable à l’immigration ainsi que la France, l’Italie comme nous, est tenue par sa dette, avec ça, on peut faire plier les plus récalcitrants. Soit en augmentant brutalement les taux d’intérêts, et ou en coupant les prêts de la BCE. Il faut sortir vite de cet étau qu’est « l’union européenne » il en va de la survie de nos nations et refaire des accords entre les pays qui ont la même vision de l’avenir.

  2. Mme MELONI mérite tous nos encouragements et nos complimants pour c qu’elle a déjà pu obtenir..
    Notamment l’encadrement des bateaux des ONG au large des côtes de la Lybie.. BRAVO !

  3. Il est à noter que dans la Province du Haut-Adige, l’hôtellerie-restauration emploie beaucoup d’étrangers originaires de Hongrie, de Slovaquie, de Tchéquie. Ces travailleurs – peut-être saisonniers, mais ce n’est pas certains – parlent parfaitement l’italien et l’allemand, qui sont les deux langues officielles de la région.

  4. À voir la vidéo, ça me fait penser à l’invasion des sauterelles, l’un des fléaux des plaies d’Egypte.

  5. Mme Meloni subit la politique migratoire des pays se trouvant au nord de l’Italie. Comme les gouvernements (pas les peuples!) de ces pays aspirent à accueillir le monde entier, elle ne peut pas contenir ces hordes. Les arrivants ne font que passer par l’Italie et c’est nous qui les retrouvons sur nos trottoirs. Toute l’Afrique sait que la France est un déversoir ayant perdu toute dignité.

  6. Pour Giorgia Meloni, la tâche est d’autant moins facile que c’est L’U.E qui tire les ficelles de l’immigration et Bruxelles qui tient le porte monnaie : si pas immigration, pas de sous !

  7. Le bilan migratoire de Giorgia Méloni, est sans doute à eu près le même que serait celui du RN en France, s’il ne s’affranchit pas des diktats Européens et ONUsiens pour ce faire, il faut avoir la souveraineté monétaire et financière, ce que nous n’avons ni l’Italie ni La France, Bernard Tapie aurait dit avec son langage imagé « ils nous tiennent par les bu.nes ». Hélas!

  8. Le camp des saints , jean Raspail a eu raison trop tôt. La prophétie se réalise avec la complicité des gauches et de l’Europe de VDL. Seuls les peuples pourront arrêter le massacre mais en auront-ils le courage. A voir les images des journaux télévisés montrant des vacanciers et des consommateurs égoïstes comme me l’a dit et heureux, comme me l’a dit un jeune de 17 ans parlant de nous français, on en doute . Pendant ce temps le petit peuple des travailleurs souffre et se tait car on ne lui donne pas la parole. On s’étonne après qu’il se tourne vers le seul parti qui l’écoute le RN.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois