Francophonie : Macron veut mettre en œuvre le programme d’Attali

Le président de la République a présenté mardi, sous la Coupole, une trentaine de mesures pour renforcer la place de la langue française dans le monde. Si l’on n’en retient que les grandes lignes, généralement soulignées par les médias, on pourrait approuver certaines propositions. Mais, à y regarder de près, on s’aperçoit que son discours est fortement inspiré d’un rapport officiel de Jacques Attali, remis en août 2014. 

Laissons-nous d’abord abuser par les apparences séduisantes de son propos. Cela fait du bien, parfois, de rêver ! Emmanuel Macron voudrait développer la francophonie pour que la langue française puisse rivaliser dans le monde avec l’incontournable anglais. Voilà pourquoi, sans doute, il utilise généralement un franglais très branché, émaillé de "start-up nation", "green-tech" et autres "silver economy", et abreuve d’anglais les pays étrangers.

Devant les gardiens de la langue française, son français est plus classique. Ne boudons pas notre plaisir. Il veut – quelle originalité ! – un retour aux fondamentaux, avec "des exercices multipliés, de la dictée à la pièce d’éloquence, de la lecture à voix haute à la chanson, de la récitation à la réflexion sur la racine des mots, qui passe par la revitalisation résolue des langues anciennes". Que ne l’a-t-il suggéré à sa collègue ministre qui faisait tout le contraire ?

Il souhaite aussi que les élèves "renouent avec les œuvres intégrales trop souvent découpées en extraits". Et cet éloge des professeurs de français ! De toute leur carrière, rarement ils ont entendu de tels compliments : "Le professeur de français est cette figure centrale qui forge l'esprit, la sensibilité, la mémoire, la curiosité car la grammaire, le vocabulaire, l'étymologie et la littérature sont le terreau où nos vies s'enracinent", a-t-il souligné, les qualifiant même de "héros". Pensait-il à sa Brigitte en dressant ce panégyrique ?

Mais venons-en à l’essentiel, non pas aux amuse-gueule destinés à mettre en appétit, mais aux objectifs plus pragmatiques et, sans doute, plus authentiques. Il préconise davantage de cours gratuits de français pour les immigrés afin de mieux les intégrer (dans le marché du travail, il va de soi). Il veut aussi doubler le nombre d’élèves dans les lycées français de l’étranger : est-ce dans cette perspective qu’il a effectué de sévères coupes budgétaires dans les subventions attribuées à l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) ?

Passons ! Venons-en au morceau de choix : le français, actuellement cinquième, doit devenir, derrière l’anglais, la troisième des langues parlées. Il compte sur le dynamisme économique de l’Afrique qui pourrait connaître, selon l’ONU, +143 % de croissance d’ici 2065. Certes, l’anglais est la langue des affaires, mais "il y a une francophonie économique qu’il nous faut réembrasser, dont il faut retrouver la vigueur".

On est rassuré : on retrouve le Macron que nous connaissions, le cerveau en forme de calculette, digne fils spirituel de Jacques Attali. Il n’est que de lire quelques lignes de la synthèse du rapport de son mentor, au titre évocateur ("La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable") : "Le potentiel économique de la francophonie est énorme et insuffisamment exploité par la France. L’effacement progressif des frontières nationales impose d’autres critères d’appartenance identitaire : la langue et la culture constituent la nouvelle géographie." Tout un programme !

Dire que l’idée qu’il pouvait être conduit par le goût de l’humanisme, de la culture française et du rayonnement de la France nous avait effleuré l’esprit !

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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