François Bayrou mis en examen : pire qu’une mort politique, un fourvoiement permanent

François Bayrou

Soyons sincère : il y avait, chez François Bayrou, quelque chose du Président de nos rêves. Fils d'agriculteur, soutien de famille, agrégé de lettres classiques, catholique, père de famille nombreuse, béarnais. Et avec cela le credo (la posture ?) de la réconciliation, de la fin de la lutte entre les deux camps. Oui, un CV de Président français parfait. Certains y ont cru en 2007 : 17 % à la présidentielle.

Et puis la suite, les dix ans qui viennent de s'écouler les ont fait courir de déception en déception.

Jusqu'à cette élection de 2017 où il apporte son soutien, en février, à un Emmanuel Macron qui peine à décoller. On sait que ce coup de pouce fut décisif, avec l'affaire Fillon, sortie au même moment.

Aujourd'hui, après plus de deux ans d'enquête, voici l'affaire des assistants parlementaires du MoDem qui devient l'affaire Bayrou, avec sa mise en examen, vendredi, pour « complicité de détournement de fonds publics ». Après Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez et quelques autres, c'est tout le second pôle de la majorité qui est touché. Les faits révélés par Le Monde sont nombreux et clairs.

Les premiers éléments de défense de François Bayrou ne feront que précipiter le naufrage.

Le 28 novembre, sur le plateau de BFM TV« Tout le monde est mis en examen ou à peu près, dans la vie politique française. » Un truc à ressortir en confession.

Devant le juge, d'après Le Monde : « Je n’ai pas la compétence sur la gestion des assistants parlementaires. [...] On ne peut pas être plus étranger que je le suis à cette affaire. […] L’idée que je doive moi, président du mouvement, m’occuper des assistants parlementaires et de leur disponibilité n’a pas de sens. » Façon grand timonier qui ne met pas les mains dans le cambouis.

Enfin, François Bayrou s'en prend aux dénonciations anonymes. Soyons complotistes avec lui. À l'heure où le quinquennat d'Emmanuel Macron n'en finit pas de foncer dans les murs qu'il érige lui-même (gilets jaunes, réforme des retraites), le vieux sage Bayrou, retrouvant enfin ses racines, n'aurait-il pas été la solution pour faire oublier le jeune inconscient qui ne cesse de mettre le feu au pays, et réparer les dégâts ? La Justice qui avait dégagé la route à Macron avec l'affaire Fillon en a décidé autrement. Dans la majorité, officiellement, on serre les rangs, mais on voit bien qu'avec cette mise en examen, « ça le flingue comme premier ministrable bis », comme le dit un député du groupe UDI-Agir et Indépendants au HuffPost. Et ça le flingue comme potentiel remplaçant d'Emmanuel Macron.

Mais le plus grave n'est pas là. La chute la plus fracassante de François Bayrou n'a pas eu lieu chez le juge. Elle est bien plus ancienne et profonde.

Elle est d'abord politique, avec une carrière tissée de postures et d'impostures, d'erreurs majeures, d'allégeances douteuses (Royal, Hollande, Juppé, Macron...), le tout confinant à une trahison continue de la légende et de la promesse initiales, et de son électorat : quelles France a-t-il réunies, dans le macronisme, notre paysan béarnais, si ce n'est celles des bourgeoisies friquées de gauche et de droite qui continuent de liquider tout ce qu'il aurait dû défendre ?

François Bayrou sera peut-être réélu maire de Pau en 2020, faisant croire à ses derniers soutiens qu'en politique, on n'est jamais mort. C'est vrai : il y a pire que la mort, en politique, c'est le fourvoiement permanent et la trahison de ce qui vous a fait, des siens et de soi.

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