La force de ce pouvoir est d’être l’ami de tous les grands patrons de presse
Une tribune publiée dans 23 médias dénonce les "signaux extrêmement préoccupants" envoyés par le gouvernement quant à l'indépendance de la presse. Pour Jean-Yves Le Gallou, ce bras de fer montre que Macron a tiré les leçons de l'expérience Fillon : il n'entend pas, lui, se laisser détruire par une campagne médiatique.
23 médias différents dénoncent dans une tribune publiée sur plusieurs sites d'information, je cite, "des signaux extrêmement préoccupants" envoyés par l'Exécutif en matière d'indépendance des médias.
Est-ce que vous partagez leur inquiétude aujourd'hui ?
Je trouve cela un peu drôle de la part des médias.
Ils ont fait Macron, ils trouvent Macron.
Macron se considère en tout cas au niveau des patrons de presse et pas au niveau des journalistes de base. Il refuse notamment de se laisser imposer le jeu des questions des journalistes. Il y a des sujets qu'il veut aborder et d'autres qu'il ne veut pas aborder.
Je pense qu'il a tiré les leçons de l'expérience de Fillon. Fillon a été détruit par une campagne médiatique.
Macron se place d'emblée dans une situation où il refusera de céder à une campagne médiatique.
C'est à mon avis pour cela qu'il protège Ferrand. Il vaut montrer que ce n'est pas parce que quelqu'un est attaqué, à tort ou à raison, par les médias qu'il doit être sacrifié.
Cette tribune évoque plusieurs plaintes déposées par le gouvernement, une d'abord sur la publication d'informations sur la loi travail, et l'autre contre La Lettre A qui a utilisé les Macronleaks.
N'est-ce pas une manière d'empêcher la presse de faire correctement son travail ?
Je crois qu'il y a dans ces deux affaires, une volonté d'intimidation.
Dans l'affaire des fuites sur le projet d'ordonnance sur le travail, il y a une volonté d'intimidation des fonctionnaires qui pourraient être tentés de livrer des documents à la presse.
Dans l'affaire des Macronleaks, il y a une volonté d'intimidation des médias cette fois, pour leur interdire d'aborder certains sujets. En l'occurrence, il y a deux sujets interdits d'aborder, semble t-il : la vie privée du couple présidentiel et le financement de la campagne présidentielle.
Macron a levé 15 millions d'euros en une dizaine de jours alors que Sarkozy avait mis en 2007 plusieurs mois à en lever 5. Cela veut dire qu'il y a sûrement des choses à regarder, et à cacher peut-être. D'où la volonté d intimider les médias qui voudraient se saisir de ce type de sujets.
On a enfin François Bayrou qui a fait beaucoup parler de lui dernièrement et notamment par un coup de fil qu'il a passé à un journaliste pour lui demander d'arrêter ses investigations.
Est-ce que cela participe de la même volonté d'intimidation ou est-ce que Bayrou est en roue libre de son côté ?
Je pense que Bayrou est intervenu de son propre chef. Je pense qu'il est en roue libre.
Il a eu un grand bonheur, il redevient ministre, il va retrouver un groupe parlementaire pour le MODEM.
C'est à ce moment là que l'affaire du financement du MODEM éclate.
Ça doit donc fortement le courroucer, mais je crois que c'est un peu à part.
C'est la séquence Bayrou.
On a vu sous le quinquennat précédent notamment François Hollande se confier tous les jours à différents journalistes.
Emmanuel Macron a très rapidement annoncé que ça ne serait pas le cas avec lui.
Qu'est-ce que toutes ces nombreuses affaires en tout début de quinquennat laissent présager ce que sera ce quinquennat en matière de relation avec la presse ?
Qu'est ce que cela signifie pour le reste du quinquennat selon vous ?
Je pense qu'il va y avoir un bras de fer.
C'est déjà un début de bras de fer, un changement des rapports de force.
La force de ce nouveau pouvoir est quand même d'être l'ami de tous les grands patrons de presse.
Monsieur Macron est l'allié de Monsieur Drahi, l'allié de Monsieur Niel. Il contrôle aussi la télévision publique.
C'est l'allié des grands patrons de presse et cela ne va peut-être pas rendre la vie très facile aux journalistes qu'il va remettre à leur place.
Je pense qu'il considère les journalistes comme des petits employés de presse, et pas autre chose.
Ça va les changer de Hollande qui leur envoyait des textos et qui les invitait à prendre des cafés, etc.
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