La fiscalité du déracinement d’Emmanuel Macron

"Une fiscalité du déracinement" : c’est ainsi que Marine Le Pen a qualifié les projets en matière fiscale d’Emmanuel Macron, la semaine dernière lors de "L’Émission politique" de France 2. Une expression qui n’a malheureusement pas retenu l’attention des commentateurs, tant ils étaient obnubilés par le niveau d’audience. Pourtant, tout le projet d’Emmanuel Macron est résumé dans cette expression.

La fiscalité, ce n’est pas que des taux, des tranches, des abattements, des dégrèvements, des exonérations... Toutes choses que l’on considère, il faut bien le reconnaître, du point de vue que l’on connaît le mieux généralement : le sien. La fiscalité, c’est la traduction concrète, en monnaie sonnante et trébuchante, de ce qu’un État veut faire. En principe.

Alors, oui, la fiscalité qu’Emmanuel Macron est en train d'instaurer est une fiscalité du déracinement. À travers, notamment, la suppression de la taxe d’habitation, tout du moins pour 80 % des Français. Certes, à première vue, l’idée est séduisante. On va « rendre du pouvoir d’achat » aux Français, clame M. Darmanin. Mais, en fait, c’est typiquement la mesure démagogique qui va permettre, quoi qu’en dise le gouvernement, d’accentuer l’asphyxie des communes, ce maillon faible de la chaîne et pourtant ce maillon auquel les Français sont le plus attachés. Normal : la commune est le premier lieu de la démocratie qui échappe, dans l’immense majorité des cas, à l’artifice médiatique qui permet à un bon artiste hors-sol – c’est-à-dire déraciné - d’accéder aux responsabilités.

Exonérer 80 % des Français de la taxe d’habitation ? Fatalement, après être allé au bout des réductions de dépenses – possibles et indispensables -, il faudra trouver d’autres ressources. Et l’on ira chercher chez les propriétaires (65 % des Français, 80 % des retraités) en augmentant la taxe foncière. Ces propriétaires qui sont, pour une bonne part, ceux à qui on aura supprimé la taxe d’habitation ! C’est donc l’enraciné que l'on va pénaliser, le ménage qui a épargné durant toute sa vie active pour s’assurer au moins un toit lorsque la bise de la retraite viendra. La transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière est, en la matière, un signal très fort, même s’il ne devrait concerner que peu de personnes.

Exonérer 80 % des Français de la taxe d’habitation ? Tout sera donc gratuit, ou presque. Du moins dans l’esprit des gens - comme dit Mélenchon -, des habitants - comme dit Macron -, bref, des citoyens. Le citoyen, justement. Pas le citoyen du monde mais le citoyen d’une ville, d’une commune. Autrefois, en France – c’est, je crois, encore le cas en Suisse –, on était citoyen ou bourgeois de telle ville et l’on avait payé des droits pour cela. Mais la bourgeoisie dans ce qu'elle incarne d’enracinement est devenue ringarde, comme l'a très bien dit Gabrielle Cluzel la semaine dernière . Place à la bourgeoisie – bien mal nommée, donc – cosmopolite qui va de hall de gare en terminal aéroportuaire.

Vivre dans une commune, une collectivité territoriale, c’est aussi contribuer, à travers le paiement de ce qu’on appelle justement des contributions directes, à hauteur de ses moyens et de son patrimoine. L’argent qui tombe sous forme de subventions dans les caisses de telle ou telle association ne vient pas du ciel. Cette fiscalité du déracinement, c’est aussi une fiscalité de la déresponsabilisation. Il est tellement plus facile de diriger des ilotes que des citoyens.

Viendra ensuite, dans cette logique de la fiscalité du déracinement, la suppression de ce qu’on appelle les « avantages fiscaux » aux familles. N’en doutons pas. Ce matin, Thierry Solère, le supplétif d’Emmanuel Macron, expliquait sur BFM TV qu’il était pour la suppression des allocations familiales à partir d’un certain niveau de revenus (lequel ?). Son argument : avoir plus ou moins d’enfants relève du choix personnel. L’État n’a pas à intervenir. Pas de raison, donc, de ne pas poursuivre le raisonnement au plan fiscal. Or, la famille est la cellule de base de la société, celle qui enracine une nation dans la vie.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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