Fessenheim : la rançon électorale à 10 milliards d’euros

Centrale_nucléaire_de_Fessenheim2_(cropped)

Un grand rassemblement est programmé, le 22 février prochain, devant la centrale de Fessenheim, entre 15 et 18 heures, organisé par l’association Fessenheim notre énergie, par les Écologistes pour le nucléaire (AEPN), par l'association Voix du nucléaire, par WONUC (World Council of Nuclear Workers) et par un collectif de vétérans du programme industriel historique auquel les Français doivent l’actuel parc de production.

Ce jour ô combien sinistre de la chute réputée définitive des barres de Fessenheim 1, il sera symboliquement important que ce dernier collectif clame haut et fort la réprobation qu’inspire à de nombreux compatriotes la deuxième forfaiture d’État ayant consisté à attenter, par contrat électoral, à l’intégrité de l’inestimable outil industriel dont ces vétérans dotèrent, non sans mal, le pays et dont ils demeurent très fiers.

Ces serviteurs de la nation n’espèrent de ses enfants que l’élémentaire reconnaissance consistant à accorder une attention toute particulière à ce que se propose de révéler d’alarmant la protestation du 22 février, au moment où est assenée aux Français la deuxième augmentation du prix de l’électricité - certainement pas la dernière ! - en moins d’un an. Le pays doit en effet savoir que le responsable de ce tropisme tarifaire désormais immaîtrisable n’est autre que la sacro-sainte loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) prévoyant rien moins que d’aggraver la facture en continuant de s’en prendre à l’intégrité du parc électronucléaire.

« Une rançon électorale à 10 milliards d’euros mettant de surcroît à mal la stabilité du système électrique. » C’est ce que l’on devrait lire, le 22 février prochain, à Fessenheim. Explications.

Le récent et notoire dévoiement d’un processus ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) déjà léonin confère une implacable responsabilité aux kWh nucléaires, dans la sécurisation de l’approvisionnement électrique du pays, rendant d’autant plus surréaliste la décision de fermer la doyenne des centrales françaises qu’elle est largement amortie, donc prodigue des kWh bon marché, et que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) l’a déclarée sûre pour au moins une décennie encore.

Voici le chiffrage de ce tribut électoral que la communauté nationale va devoir chèrement payer, contre vents et marées protestataires, dans lequel n’entre pourtant pas le dédommagement qu’EDF va devoir consentir à des partenaires allemands et suisses ayant, aujourd’hui, un droit de tirage sur la production des deux tranches, à hauteur de 17 % pour les premiers, de 15 % pour les seconds.

En partant du constat que la valeur d’amortissement comptable est nulle à Fessenheim – quand, selon la Cour des comptes, elle est en moyenne de 4 euros par MWh pour le reste du parc - et du constat que le MWh sort à 29,6 euros de cette usine (à mettre en regard du montant de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) de 10,5 euros/MWh et de celui d’un impôt « CSPE » allemand de 39,5 €/MWh !), pour produire les 12 TWh que l’arrêt définitif de la centrale va soustraire du réseau, la collectivité nationale va devoir dépenser au moins 1 milliard d’euros supplémentaires, chaque année, si l’on se réfère à l’abandon d’une possible exploitation jusqu’à 50 ans, et près de 2 milliards d’euros annuels, si l’on se réfère à l’abandon de l’exploitation jusqu’à 60 ans qu’a obtenue la centrale de référence, Beaver Valley aux USA, soit, au total, une ardoise d’au moins 10 milliards d’euros à la charge nette du consommateur.

Cette estimation repose sur l’hypothèse que les 12 TWh* annuels seraient produits pour moitié par des éoliennes maritimes et terrestres, au coût moyen de 150 euros/MWh (220 pour l’off-shore et 80 pour le terrestre), et, pour moitié, par de l’électricité provenant de centrales à cycle combiné au gaz, soit 110 euros/MWh (avec un coût du carbone de 50 euros/t).

Ainsi, le coût moyen de l’électricité de remplacement promet-il d’être de 130 euros par MWh, soulignant un différentiel d’environ 100 euros par MWh, avec la situation actuelle.

Chers compatriotes, méditez ces chiffres ! À continuer de les accueillir dans l’indifférence, demain, toute protestation violente contre une facture énergétique devenue insupportable ne trouvera non seulement aucune excuse mais, surtout, aucun moyen économique et industriel de l’atténuer dans les délais exigés.

* TWh : térawattheure. Un TWh est égal à un milliard de kWh

André Pellen
André Pellen
Ingénieur retraité de l'exploitation du parc électronucléaire d'EDF

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois