[Expo] Horace Vernet, le peintre de la plus célèbre des smalas
Le château de Versailles met à l’honneur Horace Vernet (1789-1863), peintre que Louis-Philippe fit travailler pour les Galeries historiques lorsqu’il organisa le château comme lieu dédié « à toutes les gloires de la France ». Petit-fils de Joseph Vernet, fils de Carle Vernet - une dynastie d’artistes comme l’Ancien Régime en connut plus d’une -, Horace Vernet, ami de Géricault, fait ses débuts sous les couleurs du romantisme. Bonapartiste, il est un protégé du duc d’Orléans.
En 1822, sa Bataille à la barrière de Clichy est refusée au Salon. On devine en sous-main l’agacement de Louis XVIII. C’est le dernier acte de l’épopée napoléonienne qui est glorifié et la barrière de Clichy est celle par laquelle Louis XVIII a fui le retour de l’Empereur… Mais n’exagérons rien : Louis XVIII fit travailler Horace Vernet, ainsi que Charles X qui le nomma en 1828 directeur de la Villa Médicis. Devenu l’un des peintres en vue de la Monarchie de Juillet, il sera encore choyé sous le Second Empire.
La conquête algérienne
Au début des années 1830, Horace Vernet est chargé de représenter la conquête de l’Algérie au fur et à mesure de son avancée. Ce seront les « salles d’Afrique » du château de Versailles (salles Constantine, Smala et Maroc, réouvertes au public le temps de cette exposition). Il se rend en Algérie à cinq reprises, ainsi qu’au Maroc, pour dessiner les lieux des combats, les villes prises.
Le « peintre de batailles » est, de fait, un peintre officiel de la Monarchie de Juillet. Il est cruellement mordu par Baudelaire, défendu par Musset ou Stendhal, attaqué tour à tour pour sa productivité effrénée, sa superficialité… parfois en raison de son bonapartisme. Le critique royaliste Achille de Jouffroy ne voit dans ses tableaux rien de plus que des « vaudevilles militaires ». Pour Balzac, Vernet est « un grand faiseur », conscient de n’avoir pas de génie.
La prise de la smala d'Abd-el-Kader par les troupes du duc d’Aumale (1845) est sa pièce maîtresse - une toile de 21 mètres de long sur 5 de haut. Elle attire le public, récolte louanges… et force railleries : « la Smala est le plus grand tableau connu de mémoire de brocanteur » (La Silhouette). « M. Vernet a donc consacré la plus grande toile connue à la plus petite action des temps modernes » (Gazette de France). Et d'en pointer le défaut : tout cela manque de « caractère ».
On ne saurait mieux définir ce réalisme sans transcendance et sans feu. Peintre du « juste milieu » - tout comme Paul Delaroche, son gendre -, il tend à la médiocrité, loin des aristocratiques Ingres et Delacroix. Mettez en regard Chasse au lion (Sahara) de Vernet et les chasses de Delacroix, en regard sa Barricade dans la rue Soufflot et La Liberté guidant le peuple - il n’y a pas photo.
« L’encombrant héritage »
Mais voilà que, de cet artiste superficiel, le wokisme s’est créé un épouvantail ! « Versailles expose l’encombrant héritage colonial du peintre Horace Vernet », avertit La Croix. Il est reproché à l’exposition de ne pas « contextualiser » les toiles. Comme si leurs titres, reflétant le pauvre réalisme de l’artiste, ne les contextualisaient pas assez ! Comment peut-on faire plus descriptif que Prise de la Smala d’Abd-el-Kader par le duc d’Aumale à Taguin, le 16 mai 1843, rentrée dans le répertoire comique grâce à un sketch de Pierre Dac et Francis Blanche ? Plus circonstanciel que Le roi Louis-Philippe entouré de ses cinq fils sortant par la grille d'honneur du château de Versailles après avoir passé une revue militaire dans les cours, 10 juin 1837 ? Vernet contextualisait tout ce qu’il touchait.
Pour être juste, il arriva à cet homme d’être original. Directeur de la Villa Médicis, il proposa en octobre 1830… sa suppression, estimant que la France ferait des économies en entretenant des peintres à Rome sans cette institution. En 1841 il publia Du droit des peintres et des sculpteurs sur leurs ouvrages, en parallèle avec Balzac qui défendait les écrivains ; Vernet demandait qu’on distinguât le droit de vente du droit de graver. Début 1848, il prononça une conférence sur les Rapports qui existent entre le costume des anciens Hébreux et celui des Arabes modernes. Le costume, mais aussi les mœurs, les habitudes… Un sujet qu’il aurait été plus judicieux de mettre en avant, à l’heure qu’il est, que la plate et trop attendue accusation de colonialisme.
Château de Versailles, exposition jusqu’au 17 mars 2024,
tous les jours (sauf le lundi) de 9 h à 17 h 30.
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Un vert manteau de mosquées
2 commentaires
Dans les aventures de Sherlock Holmes , Horace Vernet est membre de la famille de Sherlock….
Un peintre ennuyeux. Merci pour ce commentaire d’exposition. Je vous encourage à développer cette rubrique.