Explosion dans un lycée de Drancy : « mesure éducative » pour les deux auteurs
Il s'étaient bien amusés ! Le 16 octobre dernier, à 8 heures, alors que le collège de Drancy (Seine-Saint-Denis) s’apprêtait à rendre un hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, victimes de l’islam radical, les deux collégiens avaient apporté un mélange d’acide chlorhydrique et de feuilles de papier aluminium. Le mélange avait explosé avant qu’ils aient pu entrer dans l’enceinte scolaire, ne faisant heureusement aucune victime. Mais les responsables de l'établissement avaient peu goûté la plaisanterie.
La principale du collège a porté plainte et le commissariat de Créteil a été chargé d'une enquête pour « tentative d’intrusion dans un bâtiment scolaire avec un engin explosif ». Tous deux étaient scolarisés dans une classe spécialisée, un sas de transition avant d’intégrer le circuit classique de l’Éducation nationale, mis en place spécialement pour les jeunes primo-arrivants sur le territoire français. L’un des deux élèves est de nationalité turque, selon Le Parisien.
Selon le parquet de Bobigny, les deux adolescents de 14 et 15 ans, élèves au collège Jacques-Jorissen de Drancy, sont donc sortis de garde à vue ce samedi. Ils ont été déférés et seront convoqués devant le tribunal des enfants pour « transport et détention sans motif légitime de substance ou produit explosif permettant de commettre une destruction ou une dégradation du bien d’autrui ». En attendant, ils sont soumis à une... « mesure éducative judiciaire provisoire ordonnée par le juge des enfants accompagnée d’un volet de réparation », précise le parquet de Bobigny.
Les délinquants mineurs sont très enclins à la récidive
Farce de très mauvais goût ou apologie du terrorisme ? L’intention des deux mineurs n’est pas connue ou, du moins, n’a pas été dévoilée. Quoi qu'il en soit, ils s’en sortent sans grand dommage pour l'instant, munis d'une mesure éducative judiciaire provisoire. Une mesure très appréciée des magistrats... En 2022, selon un rapport du ministère de la Justice, 18 % des quelque 164.900 individus inquiétés par la Justice sont ressortis munis de cette mesure éducative. Rien de très violent. Elle peut être accompagnée d’un volet de réparation, mais c'est d'abord une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou un travail dans l’intérêt de la collectivité ou même une simple médiation entre le mineur et la victime. Le module précis dont écopent les deux collégiens n’a pas été communiqué.
Elle est censée répondre à un défi : les jeunes délinquants présentent un sur-risque de récidive, selon une étude de l’INSEE publiée en 2013 et une, plus récente, partagée par le ministère de la Justice, le 29 juillet 2021. Mais voilà, cette répression très molle est-elle efficace ?
« Le problème, c’est que l’éducation exclut la sanction »
Joint par BV, Pierre-Marie Sève, directeur de l’Institut pour la justice (IPJ), connait bien le dossier. Il estime que le problème de la justice des mineurs, régie par le Code de la justice pénale des mineurs votée il y a deux ans par Éric Dupond-Moretti, est très insuffisant. La mesure éducative ne suffit pas. « Le problème, explique-t-il, c’est que l’éducation exclut la sanction, c’est une erreur fondamentale : toute éducation a besoin de sanction. » D’autre part, la réforme Dupond-Moretti organise désormais le procès des mineurs en deux parties : une première audience décidant de la culpabilité ou non du mineur, puis, après un délai d’un an laissant au mineur le temps de s’amender, le juge prononce la sanction allégée ou non en fonction du comportement de l’accusé pendant l’année. « C’est un problème plus grave encore, explique Pierre-Marie Sève. L’expérience montre qu’en matière de délinquance de mineurs, une sanction doit être très rapidement exécutée pour être efficace. »
Les fameux travaux d’intérêt général, qui se rapprochent des mesures éducatives judiciaires provisoires accompagnées de réparations, sont, selon le juriste, « l’alpha et l’oméga de la justice de Dupond-Moretti ». Les magistrats, toujours selon Pierre-Marie Sève, reçoivent des instructions écrites les encourageant à utiliser les travaux d’intérêt général. Et pourtant, « aucune étude ne prouve l’efficacité de ces travaux et même leur exécution. Les doutes et les interrogations sont légitimes. » Ce spécialiste complète : « Quant à l’efficacité vis-à-vis de la récidive, c’est toujours un débat très difficile, mais ne serait-ce que pour l’exécution de ces sanctions, aucun rapport de l’administration pénitentiaire ou du ministère de la Justice n’a été publié. » Une justice si adaptée pour les mineurs qu'elle ne... sanctionne pas ceux qui fautent ! La France, ce paradis du délinquant.
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» L’expérience montre qu’en matière de délinquance de mineurs, une sanction doit être très rapidement exécutée pour être efficace. » La coexistence de « mineurs » et « sanction » n’existe pas chez nous.