Europe/Russie : vers un timide rapprochement ?

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Mieux vaut, parfois, un petit accord qu’un grand affrontement, tant il est vrai que la « politique des petits pas », si chère à Henry Kissinger, ancien Kaiser à la Maison-Blanche, peut se montrer plus efficace que celle consistant à aller droit dans le mur et à grandes enjambées.

Ainsi les instances européennes tentent-elles, aujourd’hui, de retisser quelques liens ténus avec le puissant voisin russe. Évidemment, ce début de processus ne passe ni par la grande porte ni par les flonflons ; mais au moins est-il tangible.

D’où cette ACPE (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe), dont l’avis n’est globalement que consultatif, puisque censé faire respecter les droits de l’homme en ce vaste monde, qui vient, ce mardi dernier, d’entrouvrir la porte à la Russie de Vladimir Poutine. Au sein de cette instance, même si ne représentant qu’elle-même, le vote semble avoir été adopté comme si de rien n’était : 118 députés pour, 62 contre et 10 prudents qui se sont abstenus.

Parmi les puissances refusant un tel rapprochement ? Les pays baltes, sans grande surprise, puisque plus arrimés aux USA qu’à cet ensemble géopolitique allant de Brest à Vladivostok, mieux connu sous le nom de « Vieux Continent ». Et puis, l’Angleterre, évidemment, un jour en Europe et l’autre non ; mais de longue date tournée au grand large plutôt qu’à notre très européen plancher des vaches.

En France, la très sélect Amélie de Montchalin, « successeuse » de la désormais indescriptible Nathalie Loiseau, en tant que secrétaire d’État chargée des Affaires européennes, convient : « Ici, [à l’ACPE, NDLR] nous ne traitons pas de géopolitique, les valeurs que nous défendons sont les valeurs des droits de l’homme. […] Il ne s’agit pas d’un débat pour ou contre la Russie. » Cet aveu vaut son poids d’or fin et signifie, surtout, un très subtil rééquilibrage de la politique de l’Élysée vis-à-vis du Kremlin. En d’autres termes, c’est officieusement officiel : « Il vaut mieux faire avec la Russie que sans elle », à en croire ce qu’elle avoue au Figaro de ce mardi.

Du côté moscovite, personne ne s’y est trompé, une délégation russe s’envolant le jour même vers l’Europe de l’Ouest. Au passage, Piotr Toltsoï, président de la Douma (équivalent de notre Assemblée nationale), déclarait en guise d’avertissement courtois : « Nous allons à Strasbourg pour aider nos partenaires à surmonter la crise qui plombe l’institution, qui semble s’ennuyer de nous, sans pays à accuser de tous les maux… Aucune question en Europe ne peut être résolue sans le pays le plus grand. »

En arrière-plan de ces négociations à venir demeure le problème des sanctions. On les dit « internationales », c’est-à-dire décrétées par l’Occident - « camp du Bien » tel qu’il se doit. Mais il peut aussi arriver que les « sanctionnés » deviennent, à leur tour, « sanctionneurs », la Russie n’entendant pas lever, pour le moment, l’embargo sur les produits occidentaux, décrété en 2014, lors de l’annexion de la Crimée.

Et c’est là où le plus distrait des observateurs de la chose politique ne peut que constater la limite des sanctions en question. Lesquelles signifient que des nations plus capées que d’autres auraient, fortes d’on ne sait quel droit divin ou autre invincible armada, le devoir de ruiner l’économie de tel ou tel État tenu pour « voyou » et ne faisant, comme d’habitude, qu’appauvrir les peuples et enrichir leurs dirigeants. Sans pousser plus loin la polémique, on ajoutera qu’en matière de « rough states », USA et Israël ne sont pas non plus très loin, en cette discipline, du podium olympique.

Nonobstant, la scène internationale, multipolaire depuis peu, nous permet d’en revenir aux fondamentaux de cette antique discipline : un Parlement international ne sera jamais rien d’autre qu’une enceinte permettant de régler tel ou tel différend. Et surtout pas une maternelle, couplée à une garderie, dans laquelle on viendrait s’agenouiller pour recevoir mauvais points du moment par un pion aussi impatient qu’intransigeant.

Il n’est pas fatalement impossible, tel qu’écrit plus haut, qu’un Emmanuel Macron puisse s’en rendre compte. Si tel était le cas, ce ne serait pas la plus mauvaise nouvelle de la journée.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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