Il était légitime de nous insurger massivement contre le tweet abject de Stéphane Poussier, ex-candidat de La France insoumise – désavoué, depuis, par Jean-Luc Mélenchon –, qui déclarait : « À chaque fois qu’un gendarme se fait buter, et c’est pas tous les jours, je pense à mon ami Rémi Fraisse [jeune militant écologiste mort sur le site du barrage de Sivens en octobre 2014], là c’est un colonel, quel pied ! Accessoirement, un électeur de Macron en moins » (Franceinfo). Car monsieur Poussier, qui doit être jugé en comparution immédiate pour « apologie du terrorisme », pensait sincèrement ce qu’il écrivait.

Il en est tout autrement d’Eugénie Bastié, journaliste du Figaro pour le moins non conformiste, doublée d’un esprit éclairé, comme l’attestent notamment ses chroniques dans la salutaire émission de la chaîne Histoire, "Historiquement Show". Cette dernière, pour avoir oublié que nous nous enfoncions inexorablement dans une époque d’émotions volatiles et de pulsions primaires, s’est fait clouer au pilori à cause d’un tweet ironique qui relevait d’un second degré compréhensible, apparemment, des seuls « happy few » si chers à Stendhal.

« Ne jugeons pas trop vite cet homme en héros, il a peut-être mis des mains aux fesses à Saint-Cyr », a-t-elle donc écrit, en écho à un article de Libération« Lycée Saint-Cyr : une machine à broyer les femmes » – pointant le sexisme dans la célèbre école militaire, où Arnaud Beltrame avait poursuivi ses études en classe préparatoire.

Or, dans cet article, la Manif pour tous et les « tradis » en prenaient pour leur grade, comme si le sexisme – qu’il ne s’agit pas de minimiser, en rappelant toutefois que les rédactions de presse n’en sont pas exemptes ! – était le pré carré des réacs. Voilà où voulait en venir Eugénie Bastié.

Hélas, en ces temps d’inculture souveraine, il ne fait pas bon avoir de l’esprit. Et la pauvre journaliste l’a appris à ses dépens. Elle a alors présenté ses excuses comme la coupable qu’elle n’est absolument pas : « Je regrette profondément mon tweet imbécile. Je n’ai évidemment jamais voulu remettre en cause le courage admirable et l’intégrité incontestable d'Arnaud Beltrame, un héros français. Je présente mes excuses à ceux que j’ai blessés et à mes amis et confrères du Figaro. »

Las, au mépris de tout sens de l’analyse et de la vérité factuelle, on pouvait tout de même lire : « Une journaliste du Figaro s’est attirée les foudres du web pour avoir sous-entendu que le gendarme au comportement de héros lors de la prise d’otages de vendredi était peut-être un Weinstein en puissance » (L’Essentiel). Mieux : Marc-Olivier Fogiel a traité l’intéressée d’"imbécile". C’est vrai qu’il s’y connaît dans cette matière !

Que le tweet d’Eugénie Bastié ait pu choquer dans un temps de sidération et de recueillement, d’accord, mais, comme me l’a rappelé Michel Chamard – auteur de l’excellent ouvrage Les Guerres de Vendée pour les Nuls –, « l’humour est la politesse du désespoir ».

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27 mars 2018 à 18:36

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