État d’urgence sanitaire : ceci n’est pas du bricolage

Veran

Les amoureux du fameux État de droit ont le réveil douloureux, ce lundi matin. Ils découvrent que la loi qui doit proroger l’état d’urgence sanitaire n’a pas été promulguée alors qu’elle devait entrer en vigueur en ce jour de début de déconfinement.

C’est peut-être un détail, vous me direz. Du reste, le ministre Véran, en téléconsultation chez le docteur Bourdin, le dit carrément : « Ce n’est pas un raté. » On savait depuis longtemps qu’il fallait se méfier des apparences. Nous avions le très surréaliste « Ceci n’est pas une pipe », de René Magritte, le post-réaliste « Je ne suis pas un homme, monsieur » », d’Arnaud Gauthier-Fawas. Nous avons désormais le « Ce n’est pas un raté », d’Olivier Véran.

Mais c’est quoi, alors ? Un retard à l’allumage, peut-être. Ça peut arriver, des choses comme ça, notamment avec le confinement : la voiture qui reste sur le parking pendant presque deux mois, par exemple. Même pas. Devinez quoi, alors ? « Ç'a été surtout une énorme aventure parlementaire que de pouvoir faire passer un texte comme celui-ci en une semaine au Parlement », diagnostique le docteur Véran. Il devrait se méfier des mots, notamment le mot « aventure » quand il parle politique, Olivier Véran... Dans « aventure », il y a « aventureux ». Plus sérieusement, ce retard est dû à la saisie du Conseil constitutionnel par le président de la République. Il n’était pas obligé de le faire, faisons-lui-en ce crédit.

Il n’empêche que cet incident, même avec la bonne excuse qu’on lui trouve, donne, une fois encore, la drôle d’impression que le gouvernement, dans cette crise, aura passé son temps à courir derrière les événements. Ce n’est pas l’état d’urgence, c’est l’État dans l’urgence. On peut sourire de ce retard et se dire que ce n’est qu’une question d’heures. Pourtant, cette loi n’est pas anodine car elle porte en elle des restrictions de libertés, certes justifiées par la situation sanitaire, mais il n’empêche... Dimanche, Jean d’Orléans, comte de Paris, tweetait : « Ce qui m’inquiète, dans cette affaire de confinement, c’est l’atteinte forte qui a été faite à nos libertés et droits fondamentaux. » Effectivement, on peut s’en inquiéter, si cela devenait une mauvaise habitude, une addiction, un penchant paresseux.

On peut s’inquiéter, aussi, qu’un pays comme la France, de vieille tradition légiste - le descendant des Capétiens doit en savoir quelque chose -, donne une bien piètre image avec un gouvernement qui en est réduit à appeler « au sens de la responsabilité des Français » afin de faire, en quelque sorte, la soudure, le temps que cette loi soit promulguée. Ceci n'est pas du bricolage. Vous me direz, quelque part, c'est une marque de confiance. On pourrait, d'ailleurs, imaginer une prorogation de cet état de confiance. Dans la même veine, dimanche, Christophe Castaner ne faisait-il pas « le pari de l’intelligence et de la compréhension » des Français pour le déconfinement ? La question est de savoir si les Français font le pari de l'intelligence et de la compréhension de Christophe Castaner. Mais cela est une autre question.

En attendant, ce lundi 11 mai est le jour ou jamais pour parcourir plus de 100 kilomètres au-delà de chez soi et hors de son département.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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