Entre l’Allemagne et la Turquie, le torchon brûle
Rien ne va plus entre Ankara et Berlin. Dans son discours télévisé, le président Erdoğan a demandé aux Turcs de nationalité allemande de donner une "gifle électorale" à la CDU de la chancelière Merkel et au SPD de Martin Schulz, ainsi qu'aux Verts, lors des élections législatives prévues le 24 septembre. Ces mouvements sont vus comme des "ennemis de la Turquie" par Recep Tayyip Erdoğan, qui appelle l'Allemagne à "connaître ses limites".
Une consigne de vote qui a suscité de nombreuses réactions, dont celle du ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, qui y voit une "ingérence inacceptable" dans la politique allemande. Les médias et l'opinion publique s'en sont également émus.
C'est que l'affaire n'est pas anodine. La diaspora turque d'Allemagne est forte de trois millions de personnes, auxquelles s'ajoutent les 1,2 million de Turcs qui possèdent la nationalité allemande et peuvent donc peser sur le scrutin. Le SPD est le plus souvent plébiscité par ces Germano-Turcs. Mais le président Erdoğan (de droite et conservateur) reste paradoxalement très populaire.
Les relations plutôt cordiales entre Berlin et Ankara se sont largement dégradées suite au putsch manqué de juillet 2016. Le Premier ministre turc Bekir Bozdağ rappelle les "ingérences" de la chancelière Merkel, qui ne s'était pas privée de dénoncer les purges consécutives au putsch et qui avait ouvertement soutenu le "non" au référendum du 16 avril, notamment en interdisant les rassemblements de soutien au président Erdoğan et en refoulant plusieurs ministres turcs du sol allemand : une humiliation pour de nombreux Turcs.
Si Berlin réprouve les dérives autoritaires d'Ankara, le gouvernement turc accuse l'Allemagne de soutenir et d'abriter des séparatistes kurdes et des partisans du prédicateur Gülen parmi lesquels Adil Öksüz, le chef opérationnel des putschistes, probablement caché en Allemagne et dont l'extradition a été demandée par le gouvernement turc dans une note diplomatique adressée à Berlin au début du mois. La demande est restée sans réponse.
La Turquie détient, quant à elle, dix ressortissants allemands, dont un journaliste et plusieurs militants des droits de l'homme. Les demandes répétées de libération n'ont pas abouti. Berlin envisagerait à présent une série de mesures pour frapper la Turquie au portefeuille, dont la suppression des garanties et des prêts octroyés par l'Union européenne aux investisseurs en Turquie. Une "réorientation" de la politique étrangère allemande est également évoquée…
Loin d'apaiser leurs relations, l'Allemagne et la Turquie multiplient les provocations mutuelles et les surenchères. Ainsi, un haut responsable de la CDU qualifie Erdoğan de "despote du Bosphore" et plusieurs journaux allemands le surnomment "le sultan ottoman". Les médias turcs, pour leur part, n'hésitent pas à faire un parallèle entre la politique d'Angela Merkel et celle de sa RDA natale, voire avec les pratiques nazies. La France, partenaire historique de l'Allemagne et alliée de longue date de la Turquie, se distingue par son silence criant dans ce dossier.
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