Il y a les élus progressistes, technocratiques et citadins, fidèles à rien sauf à eux-mêmes, qui s’illustrent actuellement sur les bancs du Sénat pour continuer de déraciner ce qui résiste encore de nos vieux attachements. Ils disparaîtront les premiers dans l’effondrement qu’ils préparent. Être dans le vent, c’est un destin de feuille morte.

Et puis, il y a les élus des champs. Des maires, parfois même députés, au four et au moulin, qui se battent pour le dernier commerce, le dernier service, la dernière école encore en vie dans le village. Ce sont eux, élus préférés des Français, que les élections municipales de ce mois de mars doivent renouveler. Il y a, bien sûr, parmi eux, des amoureux de ronds-points et de zones commerciales, des promoteurs – dans tous les sens du terme – de lotissements horribles et de maisons pour tous où l’on ne voit personne, de stades synthétiques ou de panneaux lumineux. Des aménageurs du territoire qui déménagent notre terroir. Mais beaucoup, encore, sauvent l’honneur et forment, jour après jour, les derniers protecteurs de la France et de ses paysages, de ses clochers et de ses villages, de son patrimoine vivant, matériel et immatériel. Ils disent, à la face de nos élites mondialisées, ce que fait dire Rostand au coq Chantecler : « Je ne sais pas très bien ce que c'est que le monde ;/Mais je chante pour mon vallon, en souhaitant/Que dans chaque vallon un coq en fasse autant. »

Et parmi leurs combats figure, justement, la défense du chant du coq. Une loi pour protéger les sons de nos campagnes, berceuses de nos enfances et chant de notre France, qui l’eût cru ? Et pourtant, le 30 janvier prochain, l’Assemblée nationale aura à examiner la proposition de loi du député lozérien Pierre Morel-A-L’Huissier, tendant à consacrer le « patrimoine sensoriel des campagnes » et à rabattre leur caquet à ces néoruraux qui multiplient les plaintes et obtiennent gain de cause contre les « bruits et effluves » du terroir… Le bruit et les odeurs ?

« C’est parti d’une réflexion d’un maire de Gironde expliquant qu’il devait intervenir pour n’importe quoi : des plaintes contre des cloches, un coq. Ensuite, dans mon département, des touristes se sont plaints des cloches d’une chapelle qui sonnaient à 7 heures : j’ai un peu évoqué le sujet sur les réseaux sociaux et j’ai vite reçu énormément de lettres d’élus locaux se disant englués dans ce genre de conflits », explique le député. L’élu en question, Bruno Dionis du Séjour, maire de Gajac, est d’ailleurs engagé dans une autre bataille : faire inscrire les bruits de la campagne au patrimoine de l’UNESCO !

À Paris, quand on évoque l’autre côté du périphérique, on parle de l’affreux mot de « ruralité ». Mais avec ces élus qui semblent nous dire « Quand j’entend le mot “ruralité”, je sors mon tracteur vert ! », force est de constater que la France des campagnes n’est pas tout à fait morte.

Gageons que le chant du coq, l’aboiement familier du chien, le meuglement des vaches, le braiment de l’âne, le pépiement des oiseaux ont encore un petit sursis… Et que oui, si nous y tenons, les cloches sonneront encore demain !

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25 janvier 2020 à 10:01

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