En vacances, j’oublie tout…

vacances

« La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié » : cette sentence indique qu’une appropriation des connaissances passe par une forme de repos symbolisée ici par « l’oubli », tandis que le maintien d’une activité empêche l’être humain de prendre du recul, nécessaire à toute prise de décision consciente et réfléchie.

En ce qui concerne les enfants, les vacances sont nécessaires pour de nombreuses raisons : besoin de libération des contraintes liées à la scolarité, besoin d’intimité avec les parents, besoin d’élaboration d’un rapport personnel à autrui (les amis). Ces besoins recoupent aussi plusieurs nécessités : assimilation des connaissances acquises au cours de l’année scolaire, création d’un rapport social détaché de tout lien avec l’activité scolaire, liberté de création d’un calendrier personnel d’activités. Toutefois, ces nécessités sont restreintes, voire interdites par l’autorité parentale. Cela fait justement partie de la construction de la personnalité de l’enfant : comment se positionnera-t-il face à l’autorité ? La réponse à cette question déterminera, à l’âge adulte, son rapport avec la société. C’est là que monsieur Blanquer intervient et veut se mêler d’éducation !

Un article du Monde paru le 27 juillet 2019 relaie parfaitement cette intention avec ce titre : « Les vacances scolaires aggravent les inégalités entre élèves »[1]. Dans le novlangue de ce journal, il convient de remplacer « vacances » par « éducation parentale » : les deux journalistes y rapportent que le milieu socioculturel dans lequel évolue un enfant, donc son milieu familial, est très varié selon les familles et joue pour une grande part sur la qualité de son apprentissage. Mais au lieu d’en conclure qu’il faut aider les parents à améliorer leur qualité de vie (désendettement, salaire décent…), l’article pose un constat et tire des conclusions hâtives : pour permettre à un élève, durant le temps des vacances (qui serait trop long ?), d’acquérir les moyens de sa réussite, il faudrait augmenter son temps de présence à l’école, seul lieu qui serait capable d’apporter l’éducation, confondue ici avec l’instruction, que les parents (déshumanisés : n’oubliez pas, « parent 1 » et « parent 2 »…) ne peuvent fournir. C’est l’enjeu de la réforme de M. Blanquer. Les arguments présentés dans l’article sont d’ailleurs un peu flous. Ainsi, vérifier que l’enfant fait bien ses devoirs à la maison serait l’apanage des familles populaires (qui seraient des familles en difficulté ?), tandis que les familles aisées (celles qui réussissent donc ? Mais l’article ne le précise jamais…) achètent des cahiers de vacances inutilisés cependant qu’elles emploient naturellement « les pédagogies obliques » (comprenez « les sorties ») : et voici la nouvelle lubie pédagogiste valorisée ! C’est le cœur de la réforme de M. Blanquer : faire de l’école le lieu de multiplication des « pédagogies obliques ».

Mais l’enfant a aussi besoin de sortir du carcan de l’école sur un temps long ; d’ailleurs, comme le rappellent les journalistes, les petits Français ne font pas partie des privilégiés sur ce point puisque la Finlande et l’Estonie font réussir leurs élèves en cumulant entre dix et onze semaines de congés d’été. Quant au sondage IFOP[2] que Le Monde[3] utilise dans un autre article pour démontrer que 53 % des Français seraient favorables à une réduction des vacances à six semaines, il date de 2013 et doit être nuancé : outre que la question posée mêle la réduction du temps des vacances à celle des zones (de trois à deux), ce qui fausse la réponse (les sondés sont-ils d’accord sur la réduction des zones ou avec la réduction des vacances ?), les sondeurs remarquent eux-mêmes que les Français ne sont, en réalité, que 17 % à être « tout à fait d’accord » avec une réduction des congés d’été. Pour les autres, ils sont plutôt partagés, mais en faveur de la conservation des huit semaines. En tout cas, en vacances, il est interdit d’oublier la propagande gouvernementale…

[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/27/les-vacances-scolaires-aggravent-les-inegalites-entre-eleves_5494060_3224.html?xtor=EPR-32280629-[a-la-une]-20190728-[zone_edito_2_titre_3]

[2] https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-reduction-de-la-duree-des-vacances-scolaires-dete/

[3] https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/27/vacances-scolaires-blanquer-prend-la-main_5494002_3224.html

Bertrand Dunouau
Bertrand Dunouau
Professeur certifié de Lettres Classiques

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