En marche pour le mercato politique : mes pronostics pour le nouveau gouvernement

édouard philippe

J'avoue que l'idée m'amuserait. On parle de mercatos sportif, médiatique ou éditorial. Pourquoi pas un mercato politique ?

On pourrait même l'imaginer rétrospectif et se demander, par exemple, quel ministre j'aurais bien vu garde des Sceaux. Pour ma part, un Jean-Pierre Chevènement place Vendôme aurait eu mon assentiment et je suis sûr que son autorité républicaine y aurait fait merveille.

Mais le présent nous sollicite instamment avec ce remaniement attendu. Je ne peux m'empêcher de songer aux espérances qui seront déçues et aux tristesses qui le suivront.

Comme on laisse entendre que des membres de poids LR seraient susceptibles de rejoindre le camp présidentiel pour devenir ministres dans le nouveau gouvernement - notamment, paraît-il, Damien Abad ou Guillaume Larrivé -, il n'y a aucune raison pour qu'un mouvement inverse ne se produise pas.

Comme ils sont les meilleurs dans l'équipe actuelle sous l'autorité d'Édouard Philippe, il serait normal que Bruno Le Maire et Gérald Darmanin reviennent à droite avec la seule obligation, pour le second, de nous promettre une stabilisation durable.

Un Jean-Yves Le Drian, dont la vision de gauche a cet avantage de pouvoir être partagée par d'autres familles d'idées, serait le bienvenu dans un univers où la pensée conservatrice s'honorerait également de mesure et d'intelligence.

Puisque je viens d'évoquer Édouard Philippe, ce devrait être notre plus belle prise. Emmanuel Macron nous l'a « piqué » et il serait plus qu'équitable qu'il nous le rende. On aurait besoin de lui. Je sais qu'il emmènera forcément Gilles Boyer dans ses bagages, mais tant pis ! Le Premier ministre, à considérer son parcours, ne m'a déçu qu'une seule fois quand il a cédé pour Notre-Dame-des-Landes alors que tout aurait dû le conduire à se plier à l'opinion majoritaire qui s'était exprimée.

Mais pour le reste, aucune faute. Le ton, l'allure, la tolérance, l'efficacité, sa maîtrise dans la gestion de l'épidémie, sa rationalité chaleureuse face à la profusion trop lyrique du président de la République, son absence de démagogie, que de motifs pertinents pour accepter avec bonheur des retrouvailles! Il risque de faire de l'ombre à quelques-uns, mais le jeu en vaudrait la chandelle.

En revanche, je ne ferais pas de gros efforts pour faire migrer Nicole Belloubet, Christophe Castaner et Sibeth Ndiaye. Ils demeureront là où ils sont.

Ségolène Royal qu'on tourne trop en dérision, comme si durer et continuer à susciter, en même temps, admiration et rejet avec la même intensité était à la portée de n'importe qui ! Sa conception de la sécurité et de l'ordre m'est toujours apparue comme une anomalie à gauche : c'est, d'ailleurs, pour cela qu'elle a été si peu soutenue en 2007 par les socialistes frileux !

Bruno Retailleau et Xavier Bertrand, comme ils ont des convictions et un projet dont la droite vigoureuse n'aurait pas le droit de se passer, n'auront pas à quitter leur résidence naturelle.

Pour François Baroin, je m'interroge. Certes, beaucoup le vantent. J'ai appris que si François Fillon était devenu Président, Nicolas Sarkozy lui avait demandé de choisir François Baroin comme Premier ministre. Ains, Bruno Retailleau prévu pour Matignon aurait été nommé place Beauvau. François Baroin a cette particularité d'avoir réussi à faire un événement des moments où il s'exprime et de laisser les autres dire du bien de lui. Une méthode pas si mauvaise que cela, apparemment, quand on constate comme l'appareil officiel de LR nous le présente comme irremplaçable avant l'heure !

Ce mercato politique pourrait se raffiner, se sophistiquer, aller dans la nuance, se préoccuper des courants, des chapelles, des désirs profonds et des réussites immédiates. Tomber dans l'incongru, favoriser des dissidences ou créer des drames. Je suis pour la paix des familles politiques même recomposées !

Pour le président de la République, je n'ose pas m'avancer. Il y a de la droite en lui, mais avec l'intellectuel de gauche tapi en lui, le cynique suave qu'il est et sa faiblesse régalienne, le mercato attendra jusqu'en 2022.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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