Emmanuel Macron fait aussi du Trump – et de l’anti-Chirac : que demande le peuple ?
Il y a plusieurs manières d'« assumer », comme on dit aujourd'hui en claironnant ce verbe transitif sans son complément attendu. Le Président Macron, lui, a décidé d'assumer sa politique, et de le faire savoir de multiples façons. Il y eut l'interview télévisée en marche, avec Laurent Delahousse, il y a dix jours. Il y a la parole présidentielle descendue avec les flocons de La Mongie : en exclusivité pour LCI, le Président en après-ski a assuré la promotion du projet gouvernemental sur le contrôle des chômeurs : "Il n'y a rien de choquant."
Et puis il y a la signature officielle des lois, dans son bureau de l’Élysée, entourée du ministre concerné et du porte-parole du gouvernement. Ce samedi, ce sont trois lois que le Président a paraphées : la loi de finances pour 2018, la loi de financement de la Sécurité sociale et la loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures. Il avait déjà introduit ce cérémonial il y a quelques mois, pour la loi de moralisation, puis, flanqué de Muriel Pénicaud, pour les ordonnances sur la loi Travail et, enfin, le 30 octobre, pour la loi antiterroriste qui a pris le relais de l’état d’urgence.
On pourra toujours critiquer cette recherche de mise en scène permanente de l'action du Président et son goût des symboles. Mais cette innovation met le doigt sur un vide abyssal de nos précédents Présidents, sur leur façon de « ne pas assumer », justement. À tel point qu'on se demandait parfois si le Président était bien doté de tous les pouvoirs que lui donne la Constitution gaullienne.
D'où cette impression d'avoir affaire à des rois fainéants ou impuissants ou incohérents. Et, sans revenir aux périodes de cohabitation, qui ont dégradé la fonction présidentielle, rappelons-nous la promulgation en catimini de la loi sur le CPE par un certain Président Chirac qui, à la télévision, le 31 mars 2006, annonce devant 20,6 millions de personnes qu'il va promulguer la loi mais demande qu'elle ne soit pas appliquée en pratique ! Pour comprendre la présidence Macron, il faut garder à l'esprit cette constante dégradation de la fonction présidentielle dont, c'est vrai, M. Chirac fut le principal acteur, MM. Sarkozy et Hollande apportant ensuite chacun leur pierre à cette déconstruction.
Par ce rituel de la signature, le Président Macron restaure les fonctions et les responsabilités : celle du Président, des ministres, d'un porte-parole. Après ces images, on voit mal les uns ou les autres aller sur les plateaux télé confier leurs doutes, leurs états d'âme sur tel ou tel point de la loi. Cela, c'était bon pour les centristes face à la droite ou les frondeurs face à la gauche. Le monde d'avant.
Mais l'intelligence historique d'Emmanuel Macron n'est pas seulement diachronique : s'il a perçu les frustrations du peuple français en manque de chef et de symboles, il a aussi saisi ce que la présidence de Trump apportait de neuf, notamment par sa mise en scène de la signature. Là où d'autres hommes politiques français se seraient bien gardés d'imiter le président Trump, lui n'a pas hésité à le faire, sur ce point. Et il a eu raison.
On a un peu oublié qu'en mars dernier, durant la campagne présidentielle, il avait revendiqué l'épithète « populiste » : "Si être populiste, c'est parler au peuple sans passer par le truchement des appareils, je veux bien être populiste."
De Trump à Macron, et en passant par Orbán, l'heure est aux présidents populistes. Et, grâce à M. Macron, ce n'est plus un gros mot.
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