[EDITORIAL] Les conservateurs placent leurs espoirs en un papabile africain…

… les progressistes, eux, n'en veulent pas. Allez comprendre !
Cardinal Robert Sarah

Le pape François a rendu son âme à Dieu. Sans crier gare, le lundi de Pâques, alors que, l’ayant vu sortir victorieux d’un long combat contre une pneumonie, on avait fini par croire ce Phénix argentin insubmersible. Il est mort brutalement, donnant ainsi son ultime homélie, une illustration du célèbre évangile de saint Matthieu : vous ne saurez ni le jour ni l’heure.

Les hommages affluent. Notamment de la gauche de l’échiquier politique. Marine Tondelier, par exemple, explique « à quel point le pape François avait mieux compris l’écologie et la génération climat que beaucoup des politiques ». Elle salue « une bataille culturelle courageuse sur plusieurs sujets environnementaux et de solidarité ». Entendez l’immigration. Anne Hidalgo a décidé d’honorer la mémoire de feu le pape en éteignant la tour Eiffel, ce lundi, et propose de baptiser prochainement un lieu parisien en son nom.

Gauche hémiplégique

La gauche est ainsi. Hémiplégique en tout. Car s’approprier sans vergogne la figure du pape François en oubliant qu’il était avant tout… catholique est sacrement gonflé.

Dans Dignitas infinita (7 avril 2024), « Une infinie dignité », il avait fait la liste « des violations concrètes et graves de la dignité » : la GPA y est dénoncée comme « en contradiction totale avec la dignité fondamentale de tout être humain », la « théorie du genre » est décrite comme une « colonisation idéologique très dangereuse ». Il qualifie « l’acceptation de l’avortement dans les mentalités, dans les mœurs et dans la loi elle-même » de « crise très dangereuse du sens moral ». Quelques jours auparavant, lors d’un déplacement en Belgique, le pape avait qualifié l’IVG de « meurtre » et les médecins qui le pratiquent de « tueurs à gages », saluant au passage « le courage » du roi Baudouin qui avait refusé de signer, en 1990, cette « loi meurtrière » et demandant sa béatification. Curieusement, ni Marine Tondelier ni Anne Hidalgo n’y font allusion dans leur post.

Et ceux qui raillent la visite de Vance au pape quelques heures avant sa disparition, comme si celui-ci lui avait donné le baiser de la mort, oublient que sur ces sujets, le vice-président des États-Unis était infiniment plus proche du pape que toute la gauche réunie. Donald Trump a d’ailleurs ordonné qu'en son hommage, tous les drapeaux américains soient en berne. (D'aucuns aimaient à le présenter comme un homme de paix ; de fait, il a réuni dans la même intention Anne Hidalgo et Donald Trump, ce n'était pas gagné.)

Gageons que l’extrême gauche restera, en revanche, d’une discrétion de violette sur les papabile. Pourtant, sur la liste des candidats en lice, même s’il n’est pas sur le podium des favoris, revient souvent un nom : celui du cardinal Sarah. Il n’aura 80 ans qu’au mois de juin, le couperet de l’âge ne l’atteint donc pas encore. Alors que la proportion des catholiques africains est en progression constante (256 millions de catholiques en 2021, selon les chiffres du Vatican), la logique de l’extrême gauche dans les banlieues françaises appliquée au « Catholand » voudrait que ces progressistes revendiqués appellent de leurs vœux un pape issu de « la diversité ». Le cardinal guinéen, j’ai pu le constater de mes yeux lors de l’une de ses conférences en France il y a quelques années, est très populaire parmi les Africains : ceux-ci étaient venus en nombre. Il est sans doute le plus célèbre des cardinaux africains.

« Terre de France, réveille-toi ! »

Las, pas une de nos « belles personnes » bien-pensantes ne le soutiendra, lui préférant sans doute un Français ou un Italien de souche, pourvu qu’il soit progressiste. Oubliées, la diversité et la volonté légitime de tout un continent - dont sont principalement issus les martyrs d’aujourd’hui - de vouloir être représenté dans la longue litanie des successeurs de saint Pierre. Le cardinal Sarah est réputé bien trop conservateur. Il est vrai que pour la langue de buis, il ne faut pas compter sur lui. Dans son premier livre, Dieu ou rien (Fayard), sans renier sa culture familiale, il disait sa grande reconnaissance pour les missionnaires français (les décoloniaux s’étouffent) : « Mon entrée dans la famille du Christ doit tout au dévouement exceptionnel des pères spiritains. Je garderai ma vie durant une immense admiration pour ces hommes qui avaient quitté la France, leurs familles et leurs attaches afin de porter Dieu aux confins du monde. » Quelque 60 ans après, c’est lui qui, en 2018, est revenu transmettre le précieux dépôt à de jeunes Français pas plus vieux et aussi entiers que le gamin qu’il était, au pèlerinage de Chartres, venant rendre son héritage à un peuple français qui l’avait oublié. D’une voix forte, avec des accents de Jean-Paul II au Bourget, il avait déclaré : « Terre de France, réveille-toi ! », « Peuple de France, retourne à tes racines ! », fustigeant un monde occidental pris en étau entre le nihilisme et l’islamisme, l’exhortant à prendre exemple sur ses ancêtres dont la foi avait bâti ces cathédrales, demandant aux jeunes d’être « les saints et les martyrs » de demain.

Aujourd’hui, c’est la frange la plus « tradi » des « cathos », celle que l’extrême gauche assimile à la France rance, d’extrême droite et raciste, qui entame des neuvaines pour que, dans quelques jours, la fumée blanche désigne ce pape noir.

Quel nom sortira de ce conclave ? Nul ne le sait. Et si l'on en croit le dicton, lorsqu’on y rentre papabile, on en sort cardinal. Mais la séquence montre une fois de plus l’immense hypocrisie de certains.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

103 commentaires

  1. La réaction conservatrice susceptible de faire retrouver les fondamentaux du catholicisme ne peut venir que d’un pape tel que Monseigneur Sarah,originaire d’un continent dont les croyants risquent d’être manipulés par le « progressisme »gaucho-bobo qui a déjà détruit la foi originelle en Europe.

  2. Cet âge limite est une aberration démagogique.On ne doit déchoir de sa légitimité que les malades de vieillesse cérébrale. Pas les autres. Vive Sarah.

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