École à la maison : déconfinons nos enfants !

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Nombre d’entre nous, à Boulevard Voltaire ou ailleurs, confinés chez eux sous la contrainte du couvre-feu sanitaire que l’on sait, ont charge d’âmes et découvrent, probablement pour certains, les joies de la classe à domicile. Avec plus ou moins de bonheur, cependant, selon l’établissement où nos nos chers rejetons sont habituellement scolarisés, mais là n’est pas le débat.

Toujours est-il qu’il est demandé aux parents de s’investir, non plus seulement dans l’éducation de leurs enfants, mais également dans leur instruction. En imposant la réclusion forcée des Français, le pouvoir politique a pris un risque important : celui de leur donner le goût de se passer de l’école républicaine où formatage des esprits et piratage des consciences riment désagréablement avec ratage et naufrage, pléthore de bacheliers venant s’échouer tous les ans sur les récifs acérés des universités surpeuplées.

À coup sûr, l’Éducation nationale, ce pilier tutélaire de l’État républicain laïque, est exposé aux vents nouveaux de la liberté scolaire, celle qu’aucun parent conséquent n’eût dû jamais abdiquer, au risque de l’effondrement culturel civilisationnel auquel un tel abandon nous a finalement menés. Il est loin, le temps où Victor Hugo, animé de l’ardeur qui réchaufferait les cœurs non moins intrépides des « hussards noirs » de la Troisième République, pouvait écrire : « Quant à moi, je vois deux faits distincts, l’éducation et l’instruction. L’éducation, c’est la famille qui la donne ; l’instruction, c’est l’État qui la doit […] De là, cette évidence que l’éducation peut être religieuse et que l’instruction doit être laïque. Le domaine de l’éducation, c’est la conscience ; le domaine de l’instruction, c’est la science. » Heureuse époque où parents et instituteurs marchaient uniment d’un même pas…

Et l’on mesure, à l’aune de ces lignes confiantes en l’avenir comme dans le souci scrupuleux de transmettre qui habiterait ces vigies du tableau noir, combien l’éducation comme l’instruction ont sombré dans les cul-de-basse-fosse de la République idéologique, celle qui, désormais, par la voix d’un de ses sectateurs ultras, s’autorisait à faire de l’école « la matrice qui engendre en permanence des républicains » ! Vincent Peillon – puisqu’il s’agissait de lui –, en suppôt d’un saint-simonisme hyperbolique et mal digéré, assignait encore à « l’école [d’] opérer ce miracle de l’engendrement par lequel l’enfant, dépouillé de toutes ses attaches pré-républicaines, va s’élever jusqu’à devenir le citoyen, sujet autonome. C’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle Église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi » (La Révolution française n’est pas terminée, Seuil, 2008).

Aveu sans appel de ce républicain intransigeant qui ne faisait, somme toute, qu’entériner 40 années de pratiques pédagogiques et éducatives toutes entées sur l’acculturation progressive des petits Français qui ne savent, aujourd’hui, plus lire une pièce de Racine, ne comprennent plus l’humour de Rabelais, s’ennuient à mourir devant une nouvelle de Maupassant et sont dénués de sens historique. Gardons-nous, par charité, de brocarder leur rachitisme lexical, syntaxique et orthographique…

Aussi, bien que confinés, devons-nous saisir l’occasion de déconfiner intellectuellement nos enfants, fût-ce temporairement. Tentons tout simplement sur eux ce qui a fonctionné sur nos parents et la longue lignée de nos aïeux, attendu, précisément que les libertés se prennent et ne s’octroient pas. L’état d’urgence sanitaire imposé par nos gouvernants doit être propice à une prise de conscience salutaire.

Nos enfants n’appartiennent nullement à un régime politique, quel qu’il soit, et ses tenants soutiendraient-ils le contraire qu’ils se verraient aussitôt accusés des plus infâmes desseins totalitaires. D’abord citoyens d’un cercle familial des plus prévenants, ils deviendront les cyprès protecteurs de la cité de demain. Encore se doit-on de n’en point corrompre le terreau ni d’en assécher les racines.

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Aristide Leucate
Docteur en droit, journaliste et essayiste

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