« La droite a une occasion historique de réfléchir sur ses valeurs et de se réorganiser »

Guillaume Bernard explique la vague Macron par le fait majoritaire, par l'effet démultiplicateur de l'abstention et surtout par la démobilisation d'une partie de l'électorat. D'une certaine façon, les stratégies de LR appelant à voter Macron et du FN cherchant à séduire l'électorat de Mélenchon plutôt que celui de Fillon ont favorisé la vague Macron. Cette élection traduit plus un rejet des vieux partis qu'une véritable et pérenne adhésion à la personne et aux idées de Macron. La force de sa grande coalition centrale des libéraux, c'est d'empêcher la coalition des forces qui pourraient s'opposer à lui. Mais Macron donne paradoxalement à la droite une occasion unique de réfléchir à son identité, ses valeurs et sa stratégie.

Après l'élection d'Emmanuel Macron, c'est le raz de marée pour Emmanuel Macron au premier tour des Législatives.
On parle beaucoup de la droitisation de l'électorat ces dernières années. Cela ne se vérifie pas.
Qu'est-ce qui s'est passé?

D'abord il y a un certain nombre d'éléments de science politique qu'il faut avoir en tête.
Il y a le phénomène majoritaire. Celui-ci veut que, lorsqu'un président de la République est nouvellement élu et que des élections législatives suivent immédiatement, une majorité soit donnée au président de la République.
C'est ce qu'on appelle le fait ou le phénomène majoritaire. Ce phénomène est classique et habituel. Il n'y avait pas de raison qu'il ne marche pas pour Emmanuel Macron.

Il a été ici décuplé par deux éléments.
Premièrement, il y a eu une abstention très forte. Cela provoque un effet démultiplicateur qui fonctionne en plus du mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

Il y a également une démobilisation, qui se traduit par l'abstention, de toute une partie de l'électorat.
Si d'habitude on a schématiquement un combat droite-gauche avec un seul camp qui a perdu, ici on avait plusieurs camps.
Comme Emmanuel Macron fait la grande coalition centriste libérale, il réussit à faire la réunification du libéralisme économique à droite, et du libéralisme sociétal à gauche.
Dans le fond, il y a plusieurs camps qui ont perdu, aussi bien à gauche qu'à droite.
On a donc une démobilisation, un déboussolement de toute une partie de l'électorat qui ne s'est pas rendue aux urnes. D'où le très fort taux d'abstention.
Ce premier tour des Législatives est peut-être plus un rejet, un rejet des vieux partis politiques dans lesquels les Français n'ont pas confiance plutôt qu'une véritable et pérenne adhésion à Emmanuel Macron et à son mouvement politique.

Est-ce qu'à votre avis Emmanuel Macron va empêcher toute opposition ou au contraire va précipiter une recomposition?

La victoire d'Emmanuel Macron a cet énorme avantage qu'elle clarifie les enjeux doctrinaux, aussi bien chez les caciques des différents partis politiques que chez les électeurs.
Le choix est clairement fait.
Lorsque l'on vote pour Emmanuel Macron, que l'on vienne de la gauche ou de la droite, on est effectivement sur des positions libérales.
Emmanuel Macron réussit ce tour de force d'occuper un spectre politique extrêmement large qui fait que même s'il n'y a pas forcément une adhésion farouche, pleine et entière, sereine envers sa personne et ses idées, il divise toute opposition possible.
La pérennité d'En Marche !, c'est de pouvoir empêcher toute coalition des forces qui s'opposeraient à lui.
Il y a donc un incontestable effondrement des autres forces politique PS et LR, tout simplement parce que c'étaient des forces politiques qui étaient hybrides, et en grandes parties devenues sociale-libérale pour le PS, et libérale tout court pour les Républicains.
La logique est que ces forces politiques éclatent.
La France Insoumise ne progresse pas puisque les idées socialistes sont dévalorisées et que le vote pour Jean-Luc Mélenchon n'avait été, dans le fond, qu'un soubresaut lors des élections présidentielles.
Quant au Front National qui visait plus à séduire l'électorat mélenchonniste que celui de Fillon par sa stratégie politique, il a déboussolé et démobilisé toute une partie de son électorat.
De la même manière, LR qui a appelé à voter Emmanuel Macron a préparé d'une certaine manière la victoire d'Emmanuel Macron et de ses candidats aux Législatives.

Aujourd'hui, la droite est éparpillée.
Elle a une occasion historique de réfléchir sur ses valeurs et de se réorganiser en affirmant véritablement ce qu'elle est ontologiquement parlant et pas simplement par un positionnement sur l'échiquier et sur le spectre politique.

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Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

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