Dissimuler le visage d’une femme : la doctrine salafiste appliquée

Vendredi 13 juin à 18 heures doit se tenir une conférence à Perpignan « sur l’islamophobie ». Les jeunes Insoumis des Pyrénées-Orientales veulent dénoncer un phénomène qu’ils estiment croître dans un contexte de « montée des discours de haine, de stigmatisation des musulmans et de reculs inquiétants des libertés publiques ». L’affiche pour annoncer l’événement fait apparaître les photos des intervenants : Hugo Mazouz pour les Jeunes insoumis du 66, le député LFI Raphaël Arnault, invité d’honneur (sic), et Chérine, une jeune femme membre des Étudiants musulmans de France (l’organisation étudiante des Frères musulmans) dont le visage n'apparaît pas. En guise de représentation, le dessin d’une femme voilée anonyme.

Contactée par BV, l’universitaire Florence Bergeaud-Blackler, auteur d'un ouvrage sur le frérisme et ses réseaux, n’est pas étonnée et décrypte l’affiche. L’invisibilisation de la femme est une « injonction des salafistes et des Frères musulmans », explique-t-elle. « Les femmes sont voilées pour que n’apparaisse pas le côté féminin dans l’espace public. » Cette affiche serait donc une déclinaison très concrète de la doctrine salafiste : « Ici, le dessin vise à masquer toute représentation féminine dans l’espace public, y compris par l’image. » Pour l’anthropologue, cela ne fait aucun doute, c’est une preuve que l’islamisme « rentre dans nos mœurs ». « Nous assistons depuis trente ans à une avancée croissante du fondamentalisme religieux ». « L’islam s’adaptant à nos démocraties libérales aurait pu adapter ses pratiques. ». Pourtant, c’est tout le contraire qui se produit. « C’est l’islamisation de la modernité et non pas la modernisation de l’islam. »

« Avec un tel ministre de l’Intérieur, on aurait pu imaginer une plus grande fermeté »

La présence à cette conférence du député (triple fiché S) Raphaël Arnaud ne surprend pas cette spécialiste du frérisme, car pour elle, La France insoumise est un parti « proto-islamiste » « qui a vocation à devenir islamiste ». « L’alliance islamo-gauchiste roule pour les Frères musulmans », prévient-elle.

En réaction à ce qu’il décrit comme une « provocation », Louis Aliot, maire de la ville de Perpignan, a demandé l’interdiction de la soirée et pris un arrêté d’interdiction de manifestation. En vain. Auprès de BV, l’édile s’étonne : « La préfecture n’a pas trouvé de raison juridique pour annuler cette manifestation. Avec un tel ministre de l’Intérieur, on aurait pu imaginer une plus grande fermeté de la part de l’État. Beaucoup de paroles sont prononcées mais aucune décision n’est prise. » Pourtant, aujourd’hui, à Beauvau, Bruno Retailleau réunissait tous les préfets pour un séminaire consacré au séparatisme et à l’entrisme. Il y a « réaffirmé [sa] détermination à lutter sans relâche contre ces menaces ». « Avec leurs services, les préfets sont en première ligne pour dénouer les fils de la toile que ces réseaux ont méthodiquement tissée dans nos territoires », a-t-il indiqué, sur X. Florence Bergeaud-Blackler ne cache pas sa déception. « C’est le moment de prendre des décisions fortes. » L’affaire de Perpignan semblait être l’occasion rêvée de mettre fin à la naïveté française, « on ne peut pas rester éternellement idiot, ces gens-là dissimulent leurs intentions », déplore la chercheuse, qui rappelle l’urgence « d’analyser les doubles discours ». Car sur cette affiche, c’est évidemment « l’égalité homme-femme qui est remise en question », précise-t-elle.

Les réseaux d'extrême gauche à l'œuvre

Louis Aliot dénonce une « manifestation » en plein air qui a lieu dans un quartier prioritaire de la ville (QPV), ces fameux quartiers où des milliards sont déversés par les pouvoirs publics pour « lutter contre les inégalités sociales et territoriales ». Le maire RN s’indigne : « Ces gens-là sont en campagne électorale permanente, leur stratégie est bien définie, tout ceci est idéologique. » Il fustige, chez LFI, une « déstabilisation de l’équilibre social ». L’élu perpignanais a retrouvé l’affiche d’« une soirée féministe » datée du mois de mars où l’on voit à visage découvert notre étudiante Chérine, membre de BDS, une association d’extrême gauche appelant au boycott d’Israël. En plus de l’intervention de la députée LFI du Rhône Anaïs Belouassa-Cherifi, intervenait une chroniqueuse des médias d’extrême gauche L’Humanité et Blast. Aliot dénonce des « réseaux qui sont toujours les mêmes, financés par le contribuable ». En 2022, Blast, par exemple, a touché 803.000 euros d'« aide au pluralisme des services de presse tout en ligne », selon les chiffres du ministère de la Culture.

Quoi qu’il soit, depuis le mois de mars, notre étudiante Chérine a passé un cap. Conformément, donc, à la doctrine salafiste, elle ne désire plus être représentée sur une affiche. « Nous sommes dans une logique de surenchère », explique Florence Bergeaud-Blackler, qui décrit un processus progressif d’étapes. « La surenchère absolue de cette affiche poussée au bout, c’est l’Afghanistan, où les femmes ne sortent plus. » Nous sommes prévenus. Mais le député LFI Louis Boyard, sur X, donne une tout autre raison pour laquelle Chérine ne montre pas son visage sur l'affiche : « CNews lance systématiquement des campagnes de harcèlement contre les femmes voilées qui choisissent d’apparaître publiquement. L’intervenante a donc choisi de se protéger et de ne pas apparaître sur le visuel. »

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