Déserts médicaux, réformes et mensonges
« Je suis en 2e année de médecine. » Ils sont nombreux, croyez-moi, ceux qui aimeraient pouvoir en dire autant, ceux qui donneraient n’importe quoi pour posséder le fameux sésame, le tant convoité « concours de première année de médecine ». N’importe quoi ? Voyons donc de quoi il retourne.
Dans les années 1970, alors que la France a fait peau neuve sur les ruines de l’ancien monde, l’explosion des inscriptions en faculté de médecine a eu pour corollaire le resserrement du bien-nommé numerus clausus, qui permettait de sélectionner – cachez cet horrible mot que l’on ne saurait voir – les étudiants de première année. Ce n’est que dix ans plus tard que l’on s’apercevait du piège : « pénurie de médecins à l’horizon 2000 ! » On était passés de 9.000 places, en 1975, à 3.500, en 1993 !
Évidemment, il faudrait aussi parler de la féminisation de la profession (en 2017, les femmes représentaient 47 % des médecins français, contre 37 % en 2007), et je n’ai rien contre les femmes (j’en suis une !), mais elles choisissent majoritairement un exercice hospitalier en concordance avec une vie de famille. Quid des professions libérales ? Et du poids de la technique dans nos sociétés : qui voudrait aller s’installer « dans un trou paumé » ? Il faudrait parler de tas de choses.
Par exemple, des « déserts médicaux ». Si l’on brosse le portrait du médecin moyen sortant de la faculté, c’est une personne jeune, souvent un bon technicien, et technophile, urbain, formé à l’hôpital et assez peu dans un cabinet, peu habitué à prendre seul en charge les patients, etc. Et ce jeune-là, eh bien, il n’a pas tellement envie d’aller s’installer, et encore moins à la campagne. Oh, mais les « zones sous-denses », comme on les appelle pudiquement (on nous avait déjà fait le coup avec les personnes de petite taille), ce n’est pas que la campagne ! C’est vrai, les zones urbaines finissent, elles aussi, par être touchées. Et dans ces zones, il y a des gens, qui encombrent les urgences en ville, là où il y a des urgences, et des gens qui mettent leur rhume dans leur mouchoir et s’assoient dessus, là où il n’y en a pas.
« Gouverner, c’est prévoir », alors ils ont prévu, nos gouvernants, qu’à cela ne tienne. Que fait-on pour pallier le manque de médecins ? On nous a dit qu’on augmentait le numerus clausus (si peu). La trouvaille en 2012, ç’a été le contrat d’engagement service public (CESP) : l’étudiant, à partir de la 2e année, peut signer un contrat avec l’État par lequel ce dernier s’engage à rémunérer ses études quand l’étudiant s’engage, lui, à aller exercer, souvent comme généraliste, dans un désert médical, au prorata du nombre d’années financées. Somme toute, un système astucieux. 40 % de ces contrats sont signés en 2e et 3e années de médecine. Mais voilà qu’à la rentrée 2019, on nous annonce que le CESP ne sera plus accessible qu’à partir de la 4e année. Pourquoi une telle mesure ? Le système a-t-il si bien marché qu’on n’en a plus besoin ? Que nenni, c’est même plutôt l’inverse. Alors, quoi ? Que va-t-on faire pour sauver les déserts français ?
Je vous le donne en mille : non contents d'empêcher des étudiants ayant réussi leur première année, désireux d'exercer en tant que généralistes là où la demande se fait la plus pressante, étudiants souvent de condition modeste, le projet serait de proposer ces contrats aux étudiants qui auront échoué en première année. Contre le sésame, le désert. N’importe quoi, vous avais-je dit.
Aller chercher parmi les plus désespérés, et les moins performants a priori, me semble d'un cynisme sans nom.
Mais n’en est-il pas de la santé comme du reste ? Après tout, à Créteil, on engage des profs de maths qui ont eu leur CAPES avec 4/20…
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