Délinquance : aveuglement ou chiffres truqués ?

Hourra ! Nous assistons à "la baisse la plus importante jamais enregistrée depuis dix ans des attaques aux biens", vient de trompeter le ministre de l'Intérieur en conférence de presse sur la sécurité publique, ce jeudi 6 septembre. Pour celui qui, interviewé par Jean-Jacques Bourdin le même jour, reconnaissait, au sein du gouvernement, "le manque d'humilité des uns et des autres", il fallait oser.

Les attaques aux biens, donc, durant les sept premiers mois de l'année, "ont diminué de 3,9 %, passant d'environ 1.235.000 à 1.187.000, soit 48.000 faits de moins". Concernant les cambriolages proprement dits, ils suivent, eux aussi, une courbe descendante puisque, stabilisés en 2017 par rapport à 2016, ils accuseront très certainement une baisse de 6,2 %. Optimiste ou un brin malhonnête, Gérard Collomb ?

L'astuce n'est pas nouvelle : pour faire baisser les chiffres qui dérangent, il suffit de les nommer autrement. C'est ce que le secrétaire général du syndicat de police Vigi dénonce. Ces chiffres ? "Truqués" grâce à la requalification des « tentatives de cambriolage » en « dégradations volontaires ». Furieux de ce fallacieux tour de passe-passe, Alexandre Langlois a même annoncé que le syndicat a "déposé un recours juridique pour faux en écriture publique". Et de rappeler les suicides,& depuis le début de l'année, de 22 policiers qui souffraient "de la perte de sens de leur métier", les policiers "ne [se reconnaissant] plus dans ce que l'on [leur] demande de faire", conclut-il, désabusé et amer.

Et les violences sexuelles, elles baissent, elles aussi ? Difficile, les concernant, d'utiliser la requalification. Alors, impossible d'y couper, Gérard Collomb annonce 23,1 % de plaintes de plus en 2018. C'est, néanmoins, l'occasion d'un nouveau auto-satisfecit : "On voit donc que les dispositions que le gouvernement est en train de mettre en œuvre – loi sur les violences sexuelles et sexistes portée par mesdames Belloubet et Schiappa, la campagne de sensibilisation développée sur ce sujet – sont totalement nécessaires." Le gouvernement va aussi "lancer au mois d’octobre une plate-forme de signalement de ces violences sexuelles et sexistes, de manière à ce que les femmes qui sont victimes de tels faits puissent plus facilement les signaler". Et M. Collomb d'ajouter : "Nous savons qu’en termes statistiques, cela conduira à une augmentation des chiffres. Mais ce qui compte, c’est bien évidemment de faire changer la réalité." Certes ! Mais (je vois le mal partout) ne serait-ce pas aussi une habile manière de justifier par avance de possibles mauvais chiffres l'an prochain ?

Quant aux "attaques commises à l'arme blanche", faisant partie des "20 % restants d'augmentation des violences non crapuleuses" - 90 faits recensés et 40 décès -, pas de panique dans la population : c'est, pour moitié, en famille que ça se passe, et pour un tiers entre amis "alcoolisés massivement" qui "se disputent". Les parents d'enfants assassinés toutes ces dernières années apprécieront.

Et puis, qui l'eût cru ? De toute façon, l'augmentation de la violence et de la criminalité en tous genres, les Français s'en foutent un peu, et tous ces chiffres, finalement, relèvent presque de l'anecdote. Le rentier en politique Gérard Collomb, qui "se déplace régulièrement sur le terrain, dialogue avec [ses] compatriotes"», a bien compris que la première préoccupation des Français, la priorité des priorités est "l'emploi et le pouvoir d'achat, bien sûr". La sécurité ne venant qu'en seconde ligne. Heureusement qu'il déclarait, chez Jean-Jacques Bourdin : "Toujours regarder ce que pense la base" et écouter la population !

"Les dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre", philosophait, alors, tranquille pépère, le brave Gérard Collomb. Une phrase qu'il devrait méditer plus souvent.

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Caroline Artus
Ancien chef d'entreprise

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