De 4,4 à 26 % en 4 ans : mais d’où viennent les électeurs de Giorgia Meloni ?

Valeria Ferraro/SOPA Images/Shutterstock
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La volatilité des électeurs du centre droit italien, c’est-à-dire le vote pour un parti puis un autre, mais toujours dans le périmètre de la coalition de centre droit, s’est clairement manifestée dans ces élections du 25 septembre. L’effet de la dynamique Meloni qui s’est accélérée sous le gouvernement Draghi, puisque son parti qui était le seul à l’opposition a fortement bouleversé la sociologie électorale habituelle de l’Italie.

Au cœur de ce vote siglé Fratelli d’Italia, 40 % des électeurs de 2022 avaient voté pour la Ligue de Matteo Salvini en 2018 ; 13 % des votes en sa faveur viennent de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi. Enfin, 10 % des électeurs de FdI sont d’anciens abstentionnistes. En revanche, 17 % des électeurs qui ont voté pour Forza Italia le 25 septembre dernier sont d’anciens électeurs de Matteo Salvini. C’est donc le parti de Giorgia Meloni qui a littéralement « détroussé » la Ligue de Salvini. La Ligue a perdu 3,2 millions d’électeurs quand Fratelli d’Italia en a gagné 5,8 millions.

Ce qui est surtout intéressant c’est d’observer la répartition des votes selon les catégories sociales. La victoire de Giorgia Meloni est en réalité une véritable révolution politique.

Selon une étude de l’institut Consorzio opinio reprise par le Corriere della Sera, la leader conservatrice a réussi à capter l’électorat traditionnel de référence de chaque parti politique : ainsi, Fratelli d’Italia est le parti le plus voté par les ouvriers, 34,6 % d’entre eux l’ont choisie, et seulement 11,4 % ont voté pour le Parti démocrate (gauche).

À noter que ces mêmes ouvriers ont voté à 54,5 % pour la coalition de droite. Une donnée intéressante qui a une double signification : la gauche paie le fait d’avoir abandonné les classes populaires au profit de l’élite progressiste des centre-villes, et la classe ouvrière n’est pas rebutée par un programme économique plutôt libéral, qui favorise les entreprises, et notamment les 4 millions de PME-PMI italiennes.

Le noyau dur de l’électorat leghiste, artisans et commerçants, s’est reporté massivement sur le parti à la flamme : 30,2 % pour Meloni, 4,7 % pour la Ligue. Dans tous les secteurs, Fratelli d’Italia arrive en tête, sauf chez les jeunes et les chômeurs (où la coalition de droite est néanmoins en tête).

Les jeunes, dont le taux de chômage avoisine les 24 %, ont été sensibles aux sirènes du Mouvement 5 étoiles qui a fait campagne, surtout dans le sud, sur le revenu citoyen (l’équivalent du RSA) et le salaire minimum. Ce sont eux, également, qui se sont le plus abstenus : 42,7 % de cette classe d’âge n’est pas allée voter. C’est dramatique et révèle l’absence de perspectives, voire le désespoir, de la jeunesse italienne.

Les étudiants, assez politisés en Italie, ont massivement voté à gauche. Les classes moyennes, qui seront de plein fouet frappées par la crise, ont voté massivement pour la droite (50,1 %, dont 29,9 % pour Fratelli d’Italia). Ce sont elles qui ressentent le plus durement le sentiment de dépossession culturelle et de déclassement économique. Or, c’est le poumon laborieux du pays.

Curieusement, les classes les plus aisées, qui traditionnellement votent à gauche et regrettent amèrement Mario Draghi, ont tout de même apporté 21,4 % de leurs votes à Giorgia Meloni. Le cas du centre historique de Rome est frappant : l’électorat est historiquement rattaché au Parti démocrate ; or, il vient d’élire au Sénat Lavinia Mennuni, battant les figures stars de Carlo Calenda et d’Emma Bonino, grande figure de l’extrême gauche. Lavinia Mennuni est une proche de Giorgia Meloni, très connue dans les associations pro-vie italiennes. Elle vient de réaliser un véritable exploit électoral.

Enfin, les retraités, qui chez nous sont l’électorat privilégié d’Emmanuel Macron, ont voté à 27,6 % pour Giorgia Meloni et à 44,4 % pour la coalition de droite, quand la gauche n’obtient que 30,5 %.

Ainsi, outre la spectaculaire progression de Fratelli d’Italia, la véritable et plus surprenante information est que ce parti et surtout son leader ont su convaincre presque toutes les classes d’âge et classes sociales : de l’ouvrier à l’entrepreneur, de l’artisan au fonctionnaire, beaucoup ont placé en Giorgia Meloni leurs espoirs de survie.

Cette révolution politique est-elle le signe d’une autre révolution, culturelle cette fois-ci ?

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

18 commentaires

  1. j’espère qu’elle va arriver a faire quelque chose pour son pays mais il ne faudrait pas que jo biden se mette en travers de sa route, avec les ricains………

  2. Il faut rester prudent et ne pas se faire trop d’illusions.
    Salvini et même dans une certaine mesure Berlusconi avaient donné des espoirs vite déçus

  3. Ah si Marine Le Pen pouvait en tirer des bonnes conclusions pour la France !!!!! Elle bien refusé toute alliance des droites et viré du RN ceux qui les souhaitaient ? Grâce à elle nous avons eu macron bis. Il lui doit une fière chandelle et la France des non votants aussi.

  4. Merci à E.Z. d’avoir récupéré, bien malgré lui, l’étiquette de l’infamie : « extrême drooooite ». Grâce à cela, le RN est devenu un parti de droite et fréquentable… d’où ses nombreux députés. Si Macron dissout l’assemblée nationale, il risque de perdre la majorité possible (comme Chirac). Nous aurons peut-être des députés « Reconquête! ». Youpiiiii !

  5. Ce que je retiens, c’est le vote de la jeunesse italienne, en faveur de l’assistanat du revenu universel. Je constate autour de moi, chez nous, une désaffection des jeunes pour le travail. Dans les entreprises, les ouvriers adultes se plaignent de plus en plus du manque de motivation des jeunes, qui n’ont aucun goût pour le travail, surtout manuel. A Auch, une entreprise de bâtiment est passée à la semaine de 4 jours,certains restaurateurs y sont venus aussi, pour trouver enfin du personnel.
    Les jeunes ne veulent plus bosser, notre Sandrine nationale, qui fait l’éloge de la paresse, finira présidente de la république…
    Vous ne pouvez pas savoir combien je suis content d’être octogénaire !

  6. Parce qu’ils ne connaissent pas Mélenchon et sa Nupes, tout simplement. Pas une voix pour l’extrême droite, de la part de l’extrême gauche.

  7. Rien de surprenant. Les italiens comme beaucoup de Français et d’autres pays de l’Europe géographique saturent de l’immigration massive, de l’insécurité grandissante, des impôts énormes. Ils ont un vrai chef qui a surgi qui parle vrai, qui dénonce les abus, qui propose un programme de revalorisation de l’Italie. Cette victoire donne de l’espoir à beaucoup de Français pour une union des droites que seul Reconquête propose. Les autres partis vont ils rester sourds?

  8. A quand un tel sursaut de lucidité parmi les électeurs français . Le peuple français doit se réveiller ,il y a urgence , le navire coule .

Commentaires fermés.

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