Le mot « confiance » est en vogue. À l’ordre du jour du Conseil des ministres de ce lundi, l’examen d’un projet de loi "pour un État au service d’une société de confiance". Que ça fleure bon ! Certes, l’on a déjà entendu Jean-Michel Blanquer évoquer "l’école de la confiance" : c’est un vocabulaire qui lui est cher et qu’il employait déjà quand il était directeur général de l’enseignement scolaire. Mais quand il sort de la bouche d’un ministre qui change de parti comme de chaussettes, on est en droit d’être plus circonspect.

Gérald Darmanin présente donc la seconde version de son projet de loi, la première n’étant pas assez ambitieuse au goût de Jupiter lui-même. C’est "l’un des textes les plus importants du quinquennat", assure-t-il dans le JDD, où il en explique les grandes lignes. Il s’agit d’instaurer un "droit à l’erreur" pour remettre de la confiance entre les Français et leurs administrations : "La bonne foi doit profiter à l’usager et à l’entreprise."

Il est assez piquant d’entendre des politiciens parler de « bonne foi » quand on connaît les ressorts de leur action qui, comme Machiavel nous l’a appris, ne placent pas cette qualité au premier rang des vertus. Mais foin des procès d’intention ! Selon ce projet de loi, si vous vous êtes trompé, ce sera désormais à l'administration de démontrer que vous n'êtes pas de bonne foi. Mieux : si vous signalez spontanément une erreur, plus de pénalité et les intérêts de retard seront divisés par deux. "Faute avouée à moitié pardonnée", commente Gérald Darmanin, grand seigneur, qui se poserait bien en Salomon, à moins qu’il ne se prenne pour Saint Louis rendant justice sous son chêne. Mais regardons-y de plus près.

Qui serait éventuellement concerné par cette clémence ? Certainement pas la moitié des Français qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu. Ni les délinquants qui pratiquent une économie souterraine et se baladent dans des voitures de luxe avec des portables hors de prix. Ce ne seront pas, non plus, les grandes entreprises qui disposent de tous les outils pour vérifier leurs déclarations ou pratiquer habilement ce qu’on appelle l’optimisation fiscale. Ce sont les petites entreprises ou les contribuables qui n’ont pas recours à des experts.

Le gouvernement ferait donc un geste envers les classes moyennes et les PME ? Voilà qui serait nouveau. Mais les intéressés, insidieusement soupçonnés de fraude, restent sceptiques devant cette attention. "Les différents chocs de simplification annoncés à coups de tambour et trompette n'ont pas laissé un souvenir impérissable aux chefs d'entreprise", a réagi la Confédération des petites et moyennes entreprises. Quant aux classes moyennes, elles préféreraient sans doute être moins matraquées d’impôts, surtout quand elles ont charge de famille ou sont retraitées.

L’objectif du ministre de l’Action et des Comptes publics est aussi de faire des économies : "Zéro papier dans toute l'administration d'ici à la fin du quinquennat." Pourquoi pas ? Que l’État développe la numérisation et la dématérialisation n’est pas une mauvaise chose en soi : encore qu’une inquisition kafkaïenne puisse aussi s’installer sur Internet !

Tout se passe comme si Gérald Darmanin dorait la pilule pour mieux la faire passer. Qu’on ne s’y trompe pas ! Vous n’aurez pas deux fois droit au pardon : la seconde, ce sera directement le carton rouge ! On ne sait pas encore si le projet de loi prévoira qu’en cas d’erreur de l’administration, le contribuable sera dédommagé pour le préjudice subi. En tout cas, les Français gardent la possibilité de sanctionner les gouvernants qui voudraient leur faire prendre des vessies pour des lanternes. À coup sûr, ils n’y manqueront pas.

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27 novembre 2017 à 19:52

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