Comment acceptons-nous le couvre-feu Macron 19 h alors que les Allemands résistent au couvre-feu Merkel 21 h ?
Il y a, en France, à côté de la valorisation de l'immigration et du multiculturalisme, deux autres dogmes politiques intangibles, en tout cas durant ce demi-siècle que les historiens nommeront de « Giscard à Macron » : la décentralisation, récemment rebaptisée en périphrases où l'on n'entend plus que le mot « territoires », et le modèle européen, c'est-à-dire allemand. Or, dans la crise du Covid-19, et singulièrement dans l'affaire des mesures restreignant les libertés fondamentales, le fait est qu'Emmanuel Macron n'en a fait qu'à sa tête, ni girondin, ni rhénan, loin de la prudence de Mme Merkel, et que les Français ont avalisé sans broncher des mesures disproportionnées, imposées uniformément à tout le pays et à l'efficacité sanitaire douteuse.
Il n'est qu'à regarder les débats intenses entourant actuellement, en Allemagne, le projet de Mme Merkel d'imposer un couvre-feu national (à 21 h... et non 18 h, comme ce fut le cas chez nous au début) pour mesurer l'abîme démocratique dans lequel Emmanuel Macron a plongé la France et les Français. C'est la montée en puissance de la troisième vague qui a poussé la chancelière à proposer ce projet dans un pays où la décentralisation, le respect des libertés et la vie démocratique ont un peu plus de consistance que chez nous. Mais elle se heurte à une série d'oppositions de fond.
D'abord scientifiques. Le Monde cite une lettre ouverte adressée au gouvernement fédéral et aux présidents des Länder de l’Association allemande de recherche sur les aérosols rappelant que « la transmission des virus de type SARS-CoV-2 se fait presque exclusivement dans des espaces fermés » mais « très rarement » à l’air libre et, donc, que « si nous voulons contrôler cette pandémie, nous devons faire prendre conscience aux gens que le danger est à l’intérieur ». Ces mêmes chercheurs ne se gênent pas pour critiquer l'intérêt des « couvre-feux qui promettent plus qu’ils n’apportent. Ils n’empêchent pas les réunions clandestines en intérieur et ne font qu’accroître l’envie de se soustraire encore davantage aux ordres de l’État. » Où sont nos scientifiques osant rappeler ces évidences ?
Ensuite, le couvre-feu Merkel prévu pour 21 heures suscite de vives réserves juridiques et institutionnelles. Déjà, plusieurs couvre-feux locaux ont été suspendus par la Justice administrative. Mais c'est bien la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe qui pourrait aussi contrecarrer le projet fédéral. En effet, toujours selon Le Monde, plusieurs partis et associations, comme le Parti libéral-démocrate (FDP) et l’Association de défense des libertés civiles, ont clairement dit qu'ils saisiraient la juridiction suprême. Au nom des libertés fondamentales et du respect du droit des Länder.
Enfin, c'est la classe politique elle-même qui se fait le relais du bon sens, jusque dans la coalition au pouvoir. La CSU bavaroise pointe la question de l'acceptabilité de la mesure et a demandé un report à 22 heures du début du couvre-feu façon Merkel. Quand nous nous accommodons d'un 19 heures depuis des semaines...
Car tel est bien le problème : que nous est-il arrivé pour que nous acceptions et respections scrupuleusement des mesures disproportionnées et inutiles ? Pour que nous vivions dans un pays où ni les juges ni les scientifiques ni l'opposition démocratique ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir ? Le déclassement de la France, pays de Descartes et de Montesquieu, c'est aussi à cela qu'il se mesure. Quant à ceux qui nous prophétisent « un accident démocratique majeur » pour la prochaine présidentielle, ils devraient d'abord regarder ceux que nous vivons quotidiennement.
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