Claude Chollet : « À un moment où les autorités libérales libertaires craignent pour leurs intérêts matériels et moraux, elles serrent la vis, encouragent la censure »

Claude Chollet

Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), né à la fin de l'année passée, vient d'épingler la journaliste Apolline de Malherbe au sujet de son interview de Juan Branco, le 17 février dernier, sur BFM TV. Cet organisme a estimé que "les entretiens journalistiques ne sont pas des interrogatoires policiers" et  que"La sélection des faits invoqués par la journaliste, sa manière de poser des questions, le choix des termes qu'elle utilise ('instigateur', 'manipulateur'...)​ , sa propension à impliquer à tout prix l'avocat dans la commission des faits reprochés à son client contredisent l'exigence d'impartialité".

Boulevard Voltaire a voulu recueillir l'avis de Claude Chollet, président de l'Observatoire du Journalisme (Ojim).

Pour rappel, qu’est-ce que le Conseil de déontologie des journalistes ?

Le Conseil de déontologie des journalistes est un vieux cheval de retour, né il y huit ans autour d’un fantomatique « Observatoire de la déontologie de l’information » (ODI), présidé par un non moins vieux canasson, Patrick Eveno, universitaire historien des médias. L’ODI pondait un rapport annuel lu essentiellement par ceux qui le composaient. En mars 2019, Emmanuel Hoog, ex-PDG débarqué de l’AFP, a remis un rapport commandé par le gouvernement sur le même sujet. Les autorités ont ressuscité cette vieille lune en poussant, début 2019, à la création d’un « Conseil de déontologie journalistique et de médiation » (CDJM), largement inspiré de l’ODI.

Le CDJM a pour but principal celui d'« émettre des avis sur le respect des pratiques professionnelles des médias d’information, après saisine du public ou auto-saisine ». Il n’aura pas de pouvoir de sanction.

L’idée est d’apporter « une réponse à la crise de confiance du public envers les médias et aux tentatives de manipulation de l’information » (sic). Pas un mot sur le pluralisme dans les médias. Il existe déjà des chartes de journalistes (charte de Munich, entre autres) et on ne voit pas très bien en quoi la création d’un comité Théodule va redonner « confiance » dans une société médiatique où la bien-pensance règne déjà en maître.

 

Ils viennent, en tout cas, d’épingler Apolline de Malherbe lors de son entretien avec Branco, l’accusant de « partialité ». Le cas est flagrant, pour vous ?

Je n’ai pas vu cet entretien, je ne me prononcerai donc pas. Apolline de Malherbe est connue pour son style agressif.

 

Peut-on être journaliste et impartial ?

Encore une fois, l’objectivité n’existe pas, un journaliste est un citoyen et il a parfaitement le droit d’avoir des convictions et des opinions. Ce que l’on peut demander, et même exiger, c’est une saine prise de distance avec lui-même, rester fidèle au réel. Toute information est, par essence, une mise en scène, mais le metteur en scène ne doit pas créer la pièce (l’événement qui, ensuite, une fois transformé, devient une information) ni, et c’est pire, la cacher quand l’événement n’est pas conforme à ce qu’il attend. Dans un grand quotidien provincial, un ancien rédacteur de l’Observatoire du journalisme me signale qu’en conférence de rédaction, une question revient régulièrement : « Cette information pourrait-elle favoriser le Rassemblement national ? » Si la réponse est oui, l’information est édulcorée ou elle passe à la trappe. Il est difficile, en ce cas, de parler d’impartialité.

 

Entre ce conseil, la loi Avia et la tentative de sélection de l’information par le gouvernement (plate-forme retirée devant le tollé), quelle conception avons-nous de l’information dans la France d’Emmanuel Macron ?

Tout va dans le même sens : le CDJM (largement boycotté par la profession) porté sur les fonts baptismaux, la tentative avortée de faire naître une « information conforme » et la liberticide loi Avia qui sera appliquée au 1er juillet. À un moment où les autorités libérales libertaires craignent pour leurs intérêts matériels et moraux, elles serrent la vis, encouragent la censure avec la complicité active ou passive des principaux réseaux sociaux. Il est possible que ce mouvement s’accentue si l’inquiétude (justifiée par leurs manquements) des pouvoirs publics grandit au fur et à mesure que la vie reprend un cours normal après le déconfinement.

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Claude Chollet
Président de l’Ojim

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