Cinéma : Olga, d’Elie Grappe, ou la justification européenne du coup d’État de Maïdan

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Nous sommes en 2013, à la veille des manifestations pro-Union européenne qui ont secoué l’Ukraine. Olga, quinze ans, ambitionne de participer, en tant que gymnaste, au championnat européen en vue des Jeux olympiques. Pour ce faire, elle décide de quitter son pays natal et de concourir dans l’équipe suisse, faisant alors valoir les origines helvétiques de son défunt père. Sa mère, restée en Ukraine, est journaliste et y subit régulièrement les tentatives d’intimidation du pouvoir en place….

Au moment où le gouvernement ukrainien renonce à l’accord d’association avec l’Union européenne au profit d’un accord avec la Russie, les esprits s’échauffent à Kiev, les manifestations se multiplient et tournent à la guerre civile. De Suisse, Olga suit quotidiennement les événements et se voit tiraillée entre le mouvement pro-européen réuni place Maïdan et sa carrière de gymnaste pour laquelle elle a dû endosser une nationalité helvétique purement utilitaire…

Les intentions du cinéaste avec Olga étaient on ne peut plus claires : « Faire un film sur l’exil, avec une héroïne qui ne se sent pas à sa place, tiraillée entre plusieurs fidélités et confrontée à une situation géopolitique qui la dépasse. Comment pourra-t-elle concilier son désir personnel avec le cours de l’Histoire ? »

Programme intéressant, prometteur même. Hélas, si les prouesses physiques de la gymnaste sont tout bonnement spectaculaires, la situation géopolitique évoquée par Elie Grappe est très mal contextualisée, l’ensemble est partial et fleure bon la justification, pour ne pas dire la célébration du coup d’État de Maïdan. Par son prisme européiste (otanien ?) et par naïveté profonde, Elie Grappe perçoit ce mouvement révolutionnaire comme un « élan inouï de solidarité » (ce sont ses mots) et oublie au passage que celui-ci s’est fait sur le dos du peuple majoritaire (le président Ianoukovitch, obligé de fuir en 2014, avait été élu démocratiquement) avec l’aide de la CIA qui souhaitait affaiblir l’influence russe, ce que plus personne ne conteste parmi les observateurs.

Par ailleurs, pour ses séquences d’échauffourées à Kiev qui émaillent le récit et ont pour fonction d’indigner le spectateur face à la violence du pouvoir pro-russe, le cinéaste avoue lui-même n’avoir utilisé que des images filmées par les manifestants… Autant pour sa crédibilité.

Enfin, et surtout, l’analyse des événements de Maïdan au regard des relations historiques entre la Russie et l’Ukraine passe totalement à la trappe. À aucun moment Elie Grappe n’évoque le fait que ces deux peuples ont objectivement des raisons de se lier – n’est-ce pas à Kiev que fut fondé, en 882, le premier État de Russie par Oleg le Sage ? Jusqu’à l’éclatement de l’URSS, personne en Ukraine ne remettait en question son appartenance à la Russie. Aujourd’hui encore, le peuple ukrainien, à l’est et au sud, est largement russophone, orthodoxe et pro-russe. De là le détachement de la Crimée revenue par référendum dans le giron de la Russie et les conflits armés dans le Donbass.

Le cinéaste ne s’en cache pas lorsqu’il évoque l’origine de son projet, il souhaitait « filmer la passion d’une adolescente, le corps en action, et mettre face à face son enjeu individuel et des enjeux collectifs ». Peut-être eût-il mieux fait de se contenter du sport et de s’abstenir de toute considération politique…

 

1 étoile sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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