Christian Stawoski, 26 ans de combat contre l’irresponsabilité pénale

Le meurtrier de sa fille, jugé irresponsable, échappe au procès. Christian se bat désormais contre cette « aberration ».
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Le plaidoyer d’un père pour une vraie justice. Cela fait maintenant plus de 26 ans que Christian Stawoski se bat pour qu’aucune famille ne connaisse ce qu’il a vécu. Dans un livre bouleversant et précis, il revient sur ces 26 dernières années. La perte de sa fille, la procédure judiciaire expédiée, l’irresponsabilité pénale, son combat pour obtenir justice, sa lutte acharnée pour faire évoluer le droit… Préfacé par Jean-Christophe Muller, magistrat passé par le cabinet de François Bayrou, cet ouvrage revient sur les grands moments de cette longue bataille judiciaire et offre des solutions concrètes pour permettre aux familles de victimes de bénéficier d’une justice équitable. « Les moyens existent, les solutions sont là. Maintenant, ce n’est plus qu’une histoire de volonté politique ! », plaide Christian Stawoski, contacté par BV.

Du drame à l'absence de procès

Le 14 août 1998, la vie de Christian Stawoski bascule. Ce jour-là, vers 10 heures, il reçoit un appel qu’il n’oubliera jamais. On lui apprend que sa fille Cendrine, âgée de seulement 17 ans, a été abattue dans le salon de coiffure où elle travaillait. Un homme, 78 ans, a fait irruption dans la boutique, un fusil à la main. Cendrine et la patronne du salon sont touchées et décèderont des suites de leurs blessures. Deux autres femmes sont par ailleurs blessées. Le meurtrier est d’abord mis en examen pour assassinat et incarcéré. Mais rapidement, les experts psychiatriques le déclarent pénalement irresponsable. Christian découvre alors que le meurtrier de Cendrine sera interné dans un hôpital psychiatrique, où il décèdera au début des années 2000. Il n’y aura pas de procès, pas d’explication. Seulement une procédure expédiée et un non-lieu. « Non-lieu. Ces mots résonnent comme une condamnation à l’oubli. En termes juridiques, cela veut dire "qu’il n’y a pas lieu de poursuivre en justice". En somme, le juge estime que l’assassinat de notre fille ne justifie pas de procédure », se désole ce père de famille endeuillé. « Cette décision, je ne peux l’accepter. Ni en 1998. Ni aujourd’hui. Ni jamais », écrit-il.

« Le procès permet aux victimes de comprendre ce qu’il s’est passé. On nous a retiré ce droit. On nous a laissés seuls avec nos interrogations. On nous a contraints à vivre avec nos hypothèses qui envahissent chaque jour notre tête », regrette Christian. Privé de deuil, il a dû « faire [s]a propre enquête » pour tenter de reconstituer la chronologie des faits et comprendre la responsabilité de chacun dans la mort de sa fille. Un long chemin de croix qu’il espère éviter à de nombreuses familles de victimes. C'est pour elles qu'il se bat désormais. Il n'hésite d'ailleurs pas à les assister et à se déplacer lors des différentes échéances judiciaires.

Modifier l’article 122-1 du Code pénal

Rapidement, Christian comprend qu'il faut changer le droit. Dix ans après le meurtre de Cendrine, il obtient que les familles de victimes d’un malade mental criminel puissent obtenir une audience publique afin que soit discutée la question de l'irresponsabilité pénale. En cas d’irresponsabilité, la culpabilité peut être retenue et le crime inscrit au casier judiciaire. Une avancée non négligeable, mais « insuffisante », juge-t-il. « Il faut un vrai procès pour les familles. On a besoin de savoir ce qu’il s’est passé, dans quel état précis était le prévenu au moment des faits, les raisons qui l’ont poussé à agir, etc. Et pour avoir un vrai procès, il faut avoir une vraie enquête en amont », explique Christian. S'ensuivent des « mesurettes » qui, souvent, « ne servent à rien »...

Avec l’association Delphine-Cendrine, Christian appelle notamment à réformer l’article 122-1 du Code pénal. À l’heure actuelle, « en France, on ne juge pas les fous », déclare l’adage. En effet, selon le droit, « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Une « aberration », pour le père de Cendrine qui demande que les experts psychiatriques n’interviennent qu’en fin de procédure afin de ne pas stopper l’enquête. Par ailleurs, il souhaite que l’accusé soit considéré comme « pénalement responsable », même si sa peine sera convertie en « une obligation de soins contrôlée par un juge d’application des soins ». Christian insiste sur le suivi : « Si, au moins, on peut éviter les récidives, il faut suivre les malades même après leur séjour en hôpital psychiatrique. » Autant de propositions relayées sur les réseaux sociaux par de nombreuses familles qui, malheureusement, comme Christian, se retrouvent privées de procès.

Christian n’est pas dupe. Il voit bien que de nombreux accusés plaident « de plus en plus la folie ». « C’est faux de dire qu’il vaut mieux être en prison qu’en hôpital psychiatrique. En unité psychiatrique, ils se retrouvent sous l'autorité du médecin, et non plus du juge. Ils ont de l’espace. Et comme on manque de place, on les libère pour faire entrer de nouveaux cas… », liste-t-il.

« J’ai envoyé mon livre au Premier ministre, au garde des Sceaux, au ministre de l’Intérieur, au ministre de la Santé, à des députés et des sénateurs… Pour le moment, j’ai seulement eu un retour de Bruno Retailleau qui m’a écrit qu’il allait revenir vers moi. » Christian Stawoski ne désespère pas de voir le droit changer. La question est : quand ? « Qu’est-ce qu’il faudrait pour que ça bouge ? Un nouveau drame ? », interroge-t-il.

Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Il est effectivement temps que la législation évolue. En particulier concernant des origines culturelles différentes de la nôtre, français, et qui excusent certains actes, au mieux les classes dans « non-responsable pénalement ». Ensuite, rappelons que les psychiatres ne sont que rarement d’accord entre eux et qu’il est aberrant qu’un individu dangereux car atteint, soit-disant, de pathologie psychiatrique sorte de l’hôpital psychiatrique parfois seulement quelques mois après le meurtre commis. Ce ne devrait pas être à un médecin de juger s’il peut le libérer ou pas. Responsable pénalement ou pas, la peine devrait être a minima la même, seules les conditions d’enfermement différeraient.

  2. De tout cœur avec vous monsieur ainsi que votre famille vos amis c’est une honte c’est scandaleux cette justice de gauche et du trac gauche jamais personne n’est puni et voilà on en est en 2025 et multi récidiviste 10 fois 15 fois jusqu’au drame vivement 2027 et déjà dégagé de Syndicat de la magistrature qu’il n’y a pas lieu d’être il y en a pas dans les autres pays

  3. Ce que monsieur Stawoski veut changer surtout quant au fonctionnement de la justice actuelle , c’est la procédure en vigueur en telle qu’elle est usité en pareil cas .
    Monsieur Stawoski , lève un lièvre qui ne peut l’être que si on est confronté à un tel problème et si on ne se laisse pas abuser parce que trop effondré par le fait lui même qui pourrait enlever toute possibilité d’agir .
    Ce qu’il faut comprendre absolument si on ne veut pas passer à côté du problème c’est qu’à partir dune expertise psychiatrique , la justice fait l’économie d’une part d’un procès , et d’autre part d’investigations et d’enquêtes en amont .
    Je parle bien d’économie et de budget, sonnant et trébuchant . SI bien qu’on se demande si des audits et leurs bureaux conseils ne sont pas intervenus sur les économies à faire en matière de justice comme il l’ont fait pour ce qui a concerné la santé ,avec les résultats que l’on sait .
    Je dis cela parce que j’ai moi même été confronté au problème , il y a peu, pour un cas différent, mais qui a provoqué la mort d’un proche .
    Dans un premier temps , nous sommes sidérés non seulement par la brutalité de l’annonce mais aussi la réaction de la justice. Après soi nous sombrons, soi nous nous battons.
    Pour notre cas cela concernait un accident , mais là aussi , pas d’enquêtes , ni d’investigation , juste les expertises habituelles en de telles circonstances , un procès ou les parents des victimes n’apprennent rien de plus que la presse régionale n’a relaté dans les journaux , même si beaucoup de faits peuvent apparaitre troublants une fois le trop plein d’émotions passées. Cela arrange tout le monde , les gendarmes font l’économie d’une enquête donc le capitaine n’entame pas le budget alloué mais c’est aussi le procureur qui a son mot à dire pour juger de l’opportunité de mobiliser du personnel de gendarmerie pour faire les investigations qu’il jugera nécessaires! Donc la responsabilité de la justice intervient là aussi .
    Le secteur économique n’est pas à négligé et même il est primordial , c’est le nerf de la guerre
    D’ailleurs et sans vouloir être cynique , les procès en pareils cas se limitent à essayer de négocier auprès des assureurs ,et avec le conseil d’avocats, un surplus d’indemnités pour les parents et proches des victimes . Le chagrin des parents n’a pas sa place et les questions qu’ils peuvent légitimement se poser , qui portent sur ce qui a provoqué le décès brutal de leur enfant , est réservé aux experts en la matière . Ils sont les témoins impuissants de ce qu’il faut bien appelé , un « cirque » .

  4. C’est courant qu’ aujourd’hui un meurtrier au couteau soit immédiatement classé dans la catégorie des  » frappés  » par nos magistrats écrasés de leur suffisance face aux victimes .

  5. L’irresponsabilité pénale pour cause troubles mentaux (« démence au moment des faits ») existait déjà dans le code pénal napoléonien de 1810.

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