Chili : les raisons d’une révolte

banlieue

Depuis maintenant trois semaines, le peuple chilien est dans la rue. Bilan provisoire : 20 morts et plus de 1.300 blessés. Ce pays a pourtant, longtemps, fait figure d’exception en un continent réputé pour ses turbulences politiques. À titre d’exemple, le Chili n’a connu qu’un seul putsch dans son histoire, celui du général Augusto Pinochet, en 1973, alors que chez le voisin bolivien (pour ne citer que celui-là), il s’agirait plutôt d’une quasi-norme institutionnelle.

Pareillement, l’économie chilienne a toujours été donnée en exemple. En effet, dès la paix civile rétablie, le général Pinochet fait appel aux fameux « Chicago Boys » de l’économiste américain Milton Friedman. Ses potions ultralibérales paraissent avoir plus ou moins fonctionné trente années durant. C’est-à-dire avant que la mondialisation ne s’en mêle…

L’autre spécificité chilienne, c’était aussi d’être une société où les inégalités sociales n’étaient pas trop voyantes, au contraire d’autres nations d’Amérique latine, tels la Colombie ou le Nicaragua, où quelques puissantes familles d’origine espagnole tiennent ces pays en coupe réglée tout en maintenant la population indienne en un esclavagisme ne disant pas son nom.

Ainsi, en Colombie, ce n’est pas forcément par plaisir que les FARC ont pris le maquis dans la jungle depuis maintenant plus d’un demi-siècle. Au Nicaragua, même le très anticommuniste Gérard de Villiers, dans le SAS Croisade à Managua, prenait quasiment fait et cause pour la révolution sandiniste de 1979.

Rien de tout cela au Chili, ces manifestations étant principalement le fait de classes moyennes, d’artisans et de patrons de petites entreprises en voie de déclassement et écrasées par une fiscalité galopante ; un peu comme nos gilets jaunes, dirons-nous. Cette révolte est, pour le moment, appuyée par 79 % de la population, à en croire de récents sondages.

En effet, là-bas aussi, une élite mondialisée est en train de capter l’essentiel de la richesse nationale. Les fameux 1 % dénoncés, aux USA, par les militants du mouvement Occupy Wall Street. Les « anywhere » contre les « somewhere », soient « les gens de n’importe où » et « le peuple de quelque part », pour reprendre la terminologie de l’essayiste anglais David Goodhart.

Ce phénomène, théorisé par Alain de Benoist dans son livre Le Moment populiste, prend très logiquement, tel qu’anticipé par le philosophe en question, une ampleur elle aussi… mondialisée.

Cela se constate également au Liban, où les revendications sont globalement les mêmes, alors que ce pays fait malgré tout figure d’oasis de tranquillité en un Orient pour le moins agité. Cela a déjà explosé en Grèce ou en Espagne, cela couve plus que jamais en France, en Italie ou en Angleterre ; voire en Allemagne.

C’était à attendre, devant une mondialisation de plus en plus destructrice, à base d’arrogance d’élites libérales et libertaires. Il est heureux de constater qu’on ne puisse, impunément et trop longtemps, humilier les peuples.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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