CheckNews ratiocine sur « l’affaire Augustin » et les femmes ont du souci à se faire…

augustin

CheckNews, l’improbable outil de fact-checking de Libération, a encore frappé. On connaît le principe, immuable : un sujet fait la une de l’actualité, agite les médias et les réseaux sociaux. Quelques heures ou quelques jours s’écoulent et CheckNews débarque en majesté sur la Toile et siffle la fin de la récréation. Arbitre de la presse d’une absolue neutralité - comme chacun sait, Libération n’a rigoureusement aucune coloration politique -, détenteur omniscient de LA vérité, l’organe de fact-checking agréé et rémunéré par Facebook pour ses bons et loyaux services rétablit les faits, avec un ton pédagogue et supérieur, comme un instituteur donne la solution de l’énigme à des galopins, décerne des cartons jaunes et rouges à gauche et à droite... enfin, plutôt à droite et à droite, cela va de soi. La conséquence en est un « signalement » à Facebook, débouchant le plus souvent sur une censure.

Cette fois, il s’agit de "l’affaire Augustin", dont le prénom et le profil, on en conviendra, ne sont déjà guère porteurs pour postuler au titre de héros national et faire pleurer dans les chaumières médiatiques.

Dans l’article « Que sait-on de l’agression d’Augustin à Lyon », CheckNews affirme, dès le sous-titre, que « les versions de la scène divergent », dégainant ainsi en filigrane son arme préférée, drôlement astucieuse - bravo, les gars, c'est une trouvaille ! -, qui fonctionne à peu près à tous les coups : l’argument du « partiellement faux ».

C’est l'arme fatale qui a permis d'invisibiliser, sur Facebook, le professeur Raoult - mais paradoxalement, par une sorte d’effet Streisand, a initié sa notoriété -, mais aussi, plus récemment, un certain nombre de publications (notamment l'une d'entre elles, émanant de l’ancien directeur de La Vie, Jean-Pierre Denis) dénonçant la possibilité d’avorter jusqu’à 9 mois contenue dans la récente loi dite bioéthique, en cas de « détresse psycho-sociale » maternelle. CheckNews avait chipoté, on s'en souvient, sur la différence entre une IVG et une IMG, sur le fait que cette détresse devait être - ce n’était pas suffisamment précisé - encadrée par le corps médical, comme si tout cela changeait quelque chose au fond dramatique de l’affaire : la possibilité offerte légalement d'éliminer un bébé en pleine santé à la veille du terme.

Le procédé, sophistiqué, est imparable. Il est indéniable qu’en bon français, un texte comportant une imprécision, une erreur même de détail, est partiellement faux. Mais en vertu du principe du verre à moitié vide, il est donc également partiellement vrai… potentiellement sur l’essentiel. Se tromper sur la couleur de chaussettes du voleur, son âge, son sexe, son origine ou même, dans l'obscurité, sur le nombre de ses complices remet-il en cause la réalité du cambriolage et justifie-t-il qu'on le qualifie de « fake news » ?

Selon CheckNews, qui a recueilli le témoignage des jeunes filles au secours desquelles Augustin a volé, les individus « étaient lourds et insistants mais ils ne [les] ont pas touchées du tout ». Implicitement, on comprend qu'Augustin serait intervenu, somme toute, pour pas grand-chose. Le harcèlement de rue ne commencerait donc qu’avec l'agression physique ? Marlène Schiappa (si elle est un peu honnête) appréciera. Les femmes suivies et insultées dans la rue aussi.

Toujours d’après CheckNews, contrairement à ce qu’affirme la famille « relayée par l’extrême droite » (Caramba !, dix points de moins, forcément, sur l’échelle de la crédibilité !), Augustin n’aurait pas été agressé par les cinq individus avec lesquels le ton est monté mais par un seul d’entre eux qui aurait donné un coup de poing par derrière.

Admettons qu’un seul coup de poing ait été assez violent pour produire autant de dégâts (21 jours d’ITT), le fond demeure le même : Augustin a bien été sauvagement frappé pour avoir tenté de s'interposer entre des harceleurs et leurs proies. Un acte de bravoure qui mériterait a minima d’être salué officiellement par nos féministes institutionnelles. Rien, nada. Pour seul remerciement, l'insinuation - relayée par plusieurs autres organes de presse comme Le Point et Le Huffington Post - que tout cela relèverait presque de la mythomanie et du buzz « politique » : Pfft, beaucoup de bruit pour rien !

Les femmes sont prévenues et les hommes se le tiennent pour dit : la prochaine fois que les unes se feront importuner dans le métro, les autres auront tout intérêt à détourner le regard et à continuer de lire L'Équipe : intervenir ? Il n'y a que des coups - physiques et médiatiques - à prendre et rien à gagner. Même pas la reconnaissance des victimes.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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