On va où, pour attendre la fin du monde ?

tsunami

L’un de mes professeurs nous disait que Venise était, selon lui, le plus bel endroit du monde pour attendre sa fin. C'est ce qu'on doit appeler la tentation de Venise. À l’époque, il y avait beaucoup moins de visiteurs et les gondoles ne risquaient pas de chavirer à cause des énormes porte-touristes faisant des ronds dans l’eau à cadence industrielle. On savait déjà que la cité s’enfonçait doucement dans la mer, mais cela devait nous laisser largement le temps de déguster une glace ou un cappuccino sur la place Saint-Marc en regardant passer les filles.

Aujourd’hui, la question se pose sérieusement : quel est le meilleur endroit pour attendre cette fin du monde qui n’a jamais été aussi proche, comme chacun sait ou ne sait pas. La plus belle ville du monde, je veux dire Paris ? Faut aimer le foot et ses after champs-élyséens. Une ville moyenne, à dimension humaine avec son centre en cours de revitalisation et ses quartiers périphériques où l’on joue plus aux boules en les lançant du dixième étage que sur l’aire de jeu aménagée durant le dernier mandat ? En rase campagne, dans la diagonale du vide ? Impeccable si l’on est en bonne santé et qu’on ne veut voir personne. Cela dit… Et puis il y a, bien sûr, la Côte d’Azur. Classique. Pas donnée, mais ensoleillée.

Problème : il se pourrait bien que la Côte d’Azur soit aux premières loges pour assister à cette fin du monde qu’on veut bien imminente, à condition que ce soit chez le voisin. Prenez Cannes, par exemple. Elle est exposée au risque de tsunami. En effet, si la faille ligure, située à une vingtaine de kilomètres de la côte, venait à se rompre, l’on pourrait avoir des vagues de quatre mètres de hauteur. Alors, « dans la continuité de sa politique volontariste de prévention des risques majeurs, la mairie de Cannes expérimente une signalétique d’évacuation dédiée au risque tsunami », nous annonce le site municipal. On nous précise que « cette signalétique matérialisant un itinéraire d’évacuation tsunami sera posée depuis la gare maritime jusqu’à la gare SNCF et expérimentée par la population afin d’éprouver son efficacité en cas d'alerte ». Ceci dans le prolongement de la « charte sur le risque tsunamis et de submersions marines en baie de Cannes » promulguée en novembre 2019. Une charte qui engage les professionnels signataires à, notamment, « être attentifs aux signes avant-coureurs d’un tsunami, à préparer un kit d’urgence, à suivre une formation auprès de la mairie, etc… »

Tout cela peut faire sourire les sceptiques, mais l’on n’est jamais trop prudent. C'est ce qu'on appelle développer une culture du risque. C'est toujours mieux que de parier sur la chance.

Cela dit, encore un petit effort et, pour sortir faire ses commissions, il faudra rendre compte à un central opérationnel, porter un casque lourd, un masque - ça va sans dire -, et disposer d’un kit survie dans son sac à dos. Les mauvais esprits vont, d'ailleurs, se demander si l’on ne pourrait pas imaginer des chartes pour tout un tas d’autres risques. Les rues risquent de devenir illisibles, mais c'est un risque à prendre. Par exemple, le risque terroriste qui repose non pas sur la faille ligure mais la faille civilisationnelle. Les signataires de la charte ad hoc s’engageraient à être attentifs aux signes avant-coureurs, à suivre une formation, à afficher dans leurs locaux une carte sur laquelle seraient identifiées les zones refuges, etc.

Il est vrai, comme disait Einstein, que « le monde est un endroit redoutable. Non pas tant à cause de ceux qui font le mal qu'à cause de ceux qui voient ce mal et ne font rien pour l'empêcher. »

Et, du coup, pour attendre la fin du monde, on va où ?

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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