Ce qui se cache derrière la fin du cash 

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Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a fait, récemment, le point sur l’état du paiement numérique dans l’Hexagone : « Le paiement par mobile, qui était annoncé comme devant peut-être se substituer rapidement au paiement par carte, reste en fait extrêmement marginal : moins de 1 % des paiements sans contact ». Il a indiqué également : « Les paiements sans contact représentent maintenant 21 % des paiements de proximité et, ce qui n'était pas forcément écrit il y a quelques années, il s'agit pour l'essentiel de l'usage de la carte. (...) La carte reste la moyen de paiement ultra-majoritaire [en France], y compris avec le sans contact » (propos recueillis par Le Figaro avec l’AFP, le 9 juillet). Faut-il en conclure que les Français restent des irréductibles Gaulois quand il s’agit de leurs portes-feuilles ? Rien n’est moins sûr : la pression en faveur de la numérisation absolue des transactions ne fera que s’accélérer au nom du projet globaliste mondial : il s’agit de standardiser tous les modes d’échanges pour les fluidifier au dernier degré possible. Alors, pourquoi cette tendance ? Et, surtout, pourquoi est-ce inéluctable ?

La disparition programmée de l’argent liquide ne fera qu’accélérer la liquéfaction des échanges. Parce que le capitalisme, en tant que système économique prônant le développement des richesses à l’aune de la propriété privée des moyens de production, devait se financiariser afin de continuer à générer des profits. À partir de la deuxième moitié du XXème siècle – la crise de 1929 passant par là –, l’économie se refonda sur l’unique principe de la spéculation, dont le ressort essentiel est la confiance. Dès lors, le crédit avait vocation à être exponentiel dans un marché boursier de plus en plus dépendant des technologies de l’information et de la communication. Et le capital ne peut être ce qu’il est sans de quoi asseoir sa puissance. In fine, les machines-outils et les containers sont voués à être remplacés par les data (données informatiques), telles des nouvelles devises.

Lorsqu’il s’agissait de critiquer les idées métaphysiques, pour en faire uniquement des objets de croyance, et non plus de connaissance (notamment celle de Dieu), Emmanuel Kant avait écrit : « Cent thalers réels [le thaler est l’ancêtre du dollar] ne contiennent rien de plus que cent thalers possibles ». Et ce, pour conclure : « (…) nul homme ne saurait, par de simples idées, devenir plus riche de connaissances, pas plus qu’un marchand ne le deviendrait en argent, si, pour augmenter sa fortune, il ajoutait quelques zéros à l’état de sa caisse ». Mais, aujourd’hui, les dollars possibles tendent à être plus réels que les dollars réels… Le moyen se mutant en fin, le technologique déborde largement l’économique.

Précisément, toute forme d’épargne entrave la multiplication des transactions (la montée actuelle des cours de l’or n’est pas due au hasard). De plus, les banques centrales, jouant perpétuellement leur tête, veillent au grain pour que personne ne soit le véritable propriétaire de son argent : elles peuvent fermer un compte comme on éteint la lumière d’une pièce, rien ne reposant sur rien dans un monde où ne s’érigent que des châteaux de sable. En définitive, la fin (progressive) du cash ne signifie ni plus ni moins que le début d’une surveillance généralisée. Le marché financier, ou le nouvel ordre métaphysique.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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