Ce parler « wesh » qui contamine tous les jeunes Français…

wesh

Tous milieux sociaux confondus, il suffit de tendre l’oreille pour comprendre que les jeunes générations ponctuent, désormais, leurs discussions de mots arabes. « Wesh » qui signifie « comment vas-tu ? », « hassoul » qu’on peut traduire par « bref » et autres « wallah », qui peut dire « par Allah » ou, tout simplement, « bonjour », ce terme nous venant peut-être aussi du « ¡Olé! » espagnol.

Rien de bien nouveau sous le soleil, qu’il soit d’Occident et d’Orient : les mots arabes se comptent par centaines dans la langue française : guitare (qitara), jupe (jubba), café (qahwa), sofa (sufa), alcool (al-kuhul), chiffre (sifr), chimie (al-kimiya), amiral (amir al-ali) et autres magasin (makhazin), pour n’en citer que quelques-uns. Mais il s’agit là de mots « nobles » issus de l’arabe littéraire et non point de son équivalent dialectal.

Ces mots issus de cet arabe « populaire », c’est évidemment à l’immigration des années 60 qu’on les doit ; celle des pieds-noirs, puis des Maghrébins. Avant, nous rappelle le linguiste Luck Biichlé, cité par Le Figaro, « les emprunts linguistiques à des catégories qu’on valorise ou qu’on estime sympathiques ont toujours existé. À mon époque, ce n’était pas du tout l’arabe qui était valorisé, mais des langues comme l’italien et l’espagnol. On avait plein de mots issus de ces deux langues qu’on mettait à toutes les sauces. » Et c’est ainsi qu’on dit encore souvent ciao pour « au revoir » ou d’une fille qu’on sent « chaude », mais qui peut « illico presto » devenir… muy caliente !

L’invasion de l’anglais, plus grave encore ?

On notera que si ces emprunts à un arabe abâtardi, nous viennent d’une culture des cités dans lesquelles l’arabe classique ne se lit ni ne se parle, le rap n’est pas pour rien non plus dans ce phénomène. Rien que de très logique, s’agissant de la musique la plus écoutée par les jeunes générations, toutes origines ethniques, culturelles et sociales confondues, supplantant ainsi le rock, naguère musique de jeunes, mais aujourd’hui devenue celle des vieux. Ce qui, en leur temps, n’interdisait pas à ces derniers d’exaspérer leurs parents à coups, d’abord de « bath », puis de « cool » et autres « straight », « coincés », dans la langue de Molière.

On aurait pourtant tort de croire que ce « franglais » ou ce « globish » auraient disparu. S’il n’a plus vraiment la cote chez les jeunots, il prolifère néanmoins dans le monde du travail et les plus hautes sphères du pouvoir politique. C’est Emmanuel Macron et sa « start-up nation », c’est le « back-office », « l’open space », le « benchmark », les « happiness managers » et les « cost-killers » si chers aux classes dirigeantes.

Même François Mitterrand, en son temps…

D’ailleurs, en matière politique, l’exemple vient de plus haut et de plus loin, François Mitterrand himself, lorsque, le 28 avril 1985, sur le plateau du JT de TF1, il disserte sur le fait de savoir s’il est ou non un Président « chébran », face à un Yves Mourousi hilare… À l’époque, le verlan règne en maître, grâce en partie au chanteur Renaud qui prit part à la campagne visant à pousser l’homme de Jarnac à se représenter à l’élection présidentielle de 1988, avec ce slogan demeuré fameux : « Tonton, laisse pas béton ! » François Mitterrand n’y trouva rien à y redire. Et pourtant, qui maniait mieux la langue française que lui ? Personne, hormis Jean-Marie Le Pen que ses fidèles, lors de la scission mégrétiste de 1998, surnommaient par ailleurs, et ce, dans son dos, « Pen Le ». À l’endroit comme à l’envers, le verlan était déjà là. Comme quoi on n’en sort pas.

Toujours cité par Le Figaro, Jean Pruvost, historien linguiste, refuse de dramatiser, sachant qu’un tel phénomène ne présente en rien la saveur de l’inédit. Mais remarque, néanmoins : « Le plus important est de savoir identifier à quel moment utiliser tel registre. » Parler « wesh » avec ses amis, mais pas devant les parents ou au travail ? C’est la base. Autrefois, les bambins réservaient déjà l’usage des gros mots, d’où qu’ils viennent, au cercle amical, s’abstenant de les proférer dans le cadre familial.

En revanche, là où la situation a évolué, c’est qu’il existe désormais des hordes de Français de plus ou moins vieille souche qui ne savent plus parler que ce même « wesh ». Ce qui signifie qu’ils ne pourront jamais ni s’intégrer dans le monde du travail et encore moins s’assimiler dans ce qui demeure de société française. Et ça, c’est la « hess » ; pardon, la « galère ».

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Vous pouvez ajouter les crachats qui avaient disparu de notre culture et qui sont devenus un passage obligé chez des jeunes qui crachent systématiquement, dehors comme dedans

  2. S’il n’y avait que ça, malheureusement, la jeunesse est également contaminée par d’autres problèmes. De ce fait, tout par à vau l’eau ! Un grande partie des deux parents ont une activité professionnelle et n’éduque pas leurs enfants aussi sérieusement qu’à une époque, c’est malheureusement la rue, les films et les pubs à deux balles qui les éduquent depuis quelques décennies et ce n’est pas la meilleure éducation bien entendu. Vivement que le Gouvernement change afin que les pendules soient remises à l’heure dans bien des domaines.

  3. Vieux schnoque de 70 ans, j’ai pu constater le terrible appauvrissement du langage et de l’écrit depuis une quarantaine d’années. On le remarque très bien dans des émissions de radio ou de télévision des années 50/70 : même des gens du peuple s’exprimaient avec une syntaxe et un vocabulaire impeccables. Aujourd’hui des bacs+10 écrivent en faisant des fautes qui auraient fait rougir un enfant de 8 huit ans lorsque j’étais à l’école primaire. Et ne parlons pas de la presse écrite et audiovisuelle…

  4. Ces nouvelles formes d’expressions de la jeunesse resteraient dans le cadre de l’endroit où elles se véhiculent , cela ne me dérangerait pas plus que cela , nous aussi dans nos banlieues de la petite ceinture nous avions nos langages . Et oui il y a eu une vie avant les wesh wesh ! La banlieue n’a pas été toujours maghrébo africaine mais diverse et variée . Quand je constate ce qu’est devenu mon quartier de jeunesse cela n’a plus rien à voir. Nous avions aussi notre notion de territoire et nos voyous . La grosse différence vient du fait que les médias composés de vieux boomers font du jeunisme parce qu’ils auraient peur sinon de râter quelque chose ; Ce sont eux qui participent à généraliser ces formes de langages fleuris qui ne devraient pas dépasser la stricte frontière des cités de non droit .
    Même Télérama s’en mêle ! Il faut décorer tout ce qui représenterait une jeunesse d’aujourd »hui ou d’hier jusquà bientôt anoblir Mick Jagger . Moi je ne connais que le roi BB king , le duc Ellington , le Comte Basie ! Eux ont été annoblis par leurs propres pairs. Je trouve anachronique de la part des politiques et médias de vouloir absolument adouber des musiciens qui eux n’ont fait que remettre en cause l’ordre etabli et se revendiquaent être rebelles à toute forme de récupération !

  5. « chimie (al-kimiya) »
    Sans oublier :  » Emprunté du latin médiéval chimia, chymia », de l’espagnol quemia ; ital. chimica ; du grec χυμία et χημεία .
    certes ‘Espagne a été envahie par les arabes, mais pas la Grèce ni l’Italie à ma connaissance (je ne suis pas, il est vrai, Pic de la Mirandole ) . Guitare, certes issu de l’arabe, mais aussi issu du grec ancien
    κιθάρα. Ceci dit, toutes les langues ont des mots venant des colonisateurs successifs, il est vrai.

    • C’est vous qui le dites. Ce sont nous les colonisés maintenant. Et notre français (le populaire et le châtié) fout le camp et sa culture avec

  6. Le globish se répand selon moi et je je vois bien à force d’écouter la télé ou lire les « folders » commerciaux.
    Quant on a commencé avec le franglais dans les relations il avait été vendu que les termes de cette « langue » étaient plus courts et faciles d’utilisation… Bon, mais alors pourquoi les utiliser quand c’est le français qui est plus court et plus facile ?

  7. Diantre ! Prendrions-nous conscience que notre Culture est en grand danger !
    Il n’est jamais trop tard, mais les dégâts sont déjà si importants qu’un retour à plus de patriotisme ne sera pas aisé, voire impossible.
    Pauvre France ; du haut de mes soixante dix ans révolus, j’ai au moins eu cette chance de connaître le bien parler et bien écrire que les époux BLED savaient si bien enseigner…

    • Il y a quelque chose qui m’horripile, c’est  » ils étaient… TE… » les liaisons faites n’importe comment, à la télé, par des personnes sensées être instruites, le TE n’a rien à faire à la fin des mots dans ce contexte. À réapprendre SVP.

  8. Rares seront ceux qui pourront encore lire Flaubert, Proust, Camus, et tant d’autres. La langue française « classique » serait-elle en passe de devenir une langue morte ?
    Allez, pour se requinquer le moral, une déclaration d’amour d’Anatole France (le bien-nommé) : “La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu’on l’aime de toute son âme, et qu’on n’est jamais tenté de lui être infidèle.”

  9. « wesh » ne signifie pas « comment vas-tu ? » mais littéralement « quoi » . Comme l’arabe dialectal, (comprendre: l’arabe du Maghreb qui est un mélange de berbère, d’espagnol et de français avec tout juste un vernis d’arabe ), comme l’arabe dialectal est par nature elliptique, à la rigueur on peut traduire « wesh » par « qu’y a-t-il ? » . Et ça m’étonnerait que « wallah » vienne du « olé » espagnol. Je crois plutôt que c’est une contraction de « waha Allah » = si Dieu veut qui a d’ailleurs donné « Ojalá » = pourvu que en espagnol.

    • J’ai vécu en Afrique du nord, j’ai étudié l’arabe dialectal et je peux vous assurer qu’il ne ressemble pas du tout au français ni aux dialectes berbère ! Quelques mots peuvent provenir du français, mais ils sont rares , la structure grammaticale de la langue est très éloignée de celle des langues indo-européenne, etc.

  10. ce n’est pas pire que tous ceux qui ne peuvent sortir une phrase sans mettre des mots anglais dedans. La télé en est pleine.

    • Il s’agit d’ailleurs de mots anglais qui remplacent des mots courants de notre langue. Exemples : guest en place d’invité, l’horrible live qui signifie direct, coach en place d’entraineur, etc etc.

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