Bouh, rien que des « réactionnaires », ces « cathos tradis » !

MESSE TRADI

La situation de l’Église catholique en général, et de l’Église catholique de France en particulier, n’était pas assez catastrophique et confuse. Il a donc fallu qu’un évêque émérite, c’est-à-dire à la retraite, vienne en remettre une couche. Je veux parler de Mgr François Blondel, évêque de Viviers (Ardèche) de 2000 à 2015, qui vient de signer une tribune dans La Croix où il déclare : « La violence “réactionnaire” montre que le pape a eu raison d’intervenir avec son motu proprio. » Une tribune qui n’engage que lui mais qui reflète probablement le sentiment partagé par une génération de clercs, et c’est en cela qu’elle est intéressante et mérite d’être disséquée.

Une « violence réactionnaire » qui répond à la violence inouïe du motu proprio Traditionis custodes. Une « violence réactionnaire », celle de ces fidèles, jeunes et moins jeunes, qui ne demandent qu’une chose : entendre la messe de leurs ancêtres, ce qui est effectivement « réactionnaire ». Ces ancêtres que l’on se plaît, par ailleurs, à évoquer (ou invoquer, on ne sait pas trop) dans le « rite zaïrois » dont le pape fait régulièrement la promotion au nom de l’inculturation si chère à son cœur.

L’emploi du mot « réactionnaire » par un prélat, né en 1940, ordonné en 1965 et qui a dû vite remiser sa soutane durant les années enthousiastes post-Concile, n’est ni anodin ni innocent. Pour cette génération de prêtres reconvertis en videurs d’églises, la fidélité à la messe saint Pie V (on va dire comme ça, pour simplifier les choses) était forcément réactionnaire et, n’ayons pas peur des mots, d’extrême droite. En mai 1968, en pleine crise estudiantine, l’archevêque de Toulouse, Mgr Guyot, déclarait : « Il ne s’agit pas seulement de l’Université. Aujourd’hui se construit la société de demain. Il dépend de nous que la crise actuelle soit une crise de croissance. » Cinquante ans après ? On a la crise et la décroissance de l'Église.

Donc, ces réactionnaires ? « […] Catéchisme, patronage, petite école, refus de communion dans la main pour des personnes de passage… On appelait, on formait, on ordonnait des prêtres uniquement pour ces communautés et bien sûr ils les développaient avec leur allant et leur dynamisme. Le pape a rappelé l’unité première. » Au fond, le drame, c’est qu’ils ont de l’allant et du dynamisme et que leurs communautés se développent. On imagine que l’on doit commencer à réfléchir à une théorie, voire à une théologie, de la décroissance de l’Église, à l’instar de celle prônée par certains écolos « intégristes », pour justifier les bancs d’églises qui se vident et le denier du culte qui s’épuise.

Donc, des réactionnaires qui mènent un « combat d’arrière-garde ». J’ai l’impression d’être projeté avec mes pattes d’éléphant au début des années 70 lorsqu’on présentait les tenants de la « messe en latin » comme un dernier carré qui disparaîtrait vite lorsque le corbillard aurait fait son œuvre. Que veut dire ce combat d’arrière-garde « dans la situation actuelle grave, lourde, l’incroyance, la mission nécessaire, la question des vocations, l’accueil des cultures » ? s’interroge le prélat, sans se demander comment, justement, on en est arrivé à cette situation actuelle qu'il décrit si bien ? Sans se demander s'il n'y est pas un peu pour quelque chose, la responsabilité collective (ou « systémique », le mot étant à la mode) n'exemptant pas les responsabilités individuelles. A contrario, un quart des prêtres ordonnés en France seraient issus des rangs traditionalistes, si l'on en croit Jean-Marie Guénois dans un article du Figaro du 7 juillet 2017. On reconnaît l’arbre à ses fruits, dit-on...

Au passage, un petit mot sur ce fameux « accueil des cultures » évoqué par l'ancien évêque d'Ardèche. En 2006, il avait vendu un terrain appartenant à l’association diocésaine à la commune de Tournon-sur-Rhône afin de permettre la construction d’une... mosquée. Un terrain « vendu à un prix défiant toute concurrence », si l’on en croit un article de Libération du 7 avril 2006. Il s’agissait pour le diocèse que « les croyants des différentes religions et confessions puissent apprendre à dialoguer et à se rencontrer pour construire un monde de justice et de paix ». Ce fameux dialogue que l’on refuse aux « tradis » au sein de l’Église. Ils auront décidément eu tout faux. Désespérant.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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