Benjamin Griveaux est « con », mais une fois qu’on a dit ça…
L’affaire Benjamin Griveaux est quand même étonnante... N’avez-vous pas été surpris de la facilité avec laquelle LREM s’est débarrassée de ce preux candidat qui la conduisait à un échec assuré dans sa conquête de la ville de Paris ? Une petite vidéo retrouvée dans la mémoire d’un téléphone portable, un Russe ténébreux qui la diffuse dans le cadre d’une entreprise politique digne des plus mauvais films d’espionnage, une belle blonde, et hop ! à la trappe.
Alors, oui, il est « con », même d’une bêtise crasse. D’accord. Mais une fois qu’on a dit ça, on n’a rien réglé. Car comment admettre qu’un homme intelligent comme Emmanuel Macron – il paraît qu’il est vraiment très intelligent... - confie d’aussi importantes responsabilités à un « con » ? Parce que la « connerie », ça se sent, ça se voit, ça se repère. Cela veut donc dire que notre Président a fait exprès de choisir un « con » comme porte-parole de sa campagne électorale puis comme ministre, puis comme chevalier blanc chargé de conquérir la capitale. C’est pas rien, quand même. Mais c’est ainsi, réalité oblige. Donc, il choisit volontairement un « con ». Soit. Mais un « con » malgré tout intelligent parce que, sinon, il en aurait choisi un autre. C’est là que ça se complique. Le temps d’une chanson, Brel rêvait d’être beau et con à la fois ; pour l’élite qui nous gouverne, la martingale, c’est d’être intelligent et con à la fois ! Le paradoxe suprême. Et Benjamin Griveaux n’est pas le seul. Il en a poussé beaucoup, des intelligentes et intelligents, « connes » et « cons » à la fois, depuis le printemps 2017. Alors, quelle est la morale de cette histoire ? La leçon qu’en aurait tirée Jean de La Fontaine...
La réponse est donnée, avec les codes bien sûr, par Juan Branco, le drôle d’avocat justicier révolutionnaire de Piotr Pavlenski qui vient de demander une expertise psychiatrique du regretté ministre exhibitionniste. Faut-il vérifier qu’il était vraiment « con » ? Non, il faut certifier son exclusion du système conformiste. J’ai découvert que, revêtu des habits du conférencier, Juan Branco était allé répandre la bonne parole révolutionnaire et insoumise à l’École polytechnique. Oui, à l’X ! Il leur a expliqué qu’ils étaient tous des salauds et des privilégiés qui s’approprieraient la République au lieu de la servir... Et les élèves au bicorne l’ont applaudi ! Ils avaient l’air ravi tout en gardant leur sérieux. Intelligents et « cons » à la fois, eux aussi ?
Emmanuel Todd nous donne une partie de la réponse dans son dernier livre Les Luttes de classes en France au XXIe siècle. Nos élèves supérieurs sont classés en fonction de leurs performances. L’intelligence du système ressemble de plus en plus à celle de la machine algorithmique. Elle est conformiste. Nos cadres de la nation se soumettent aux codes de la sélection conformiste. Plus ils sont intelligents, plus ils sont soumis aux codes, plus ils se mettent mécaniquement au service du système qui les robotise et les enrichit. Et plus ça va, plus ils deviennent « connes » et « cons » à l’image de nos ministres. Par conformisme, car le propre du conformiste, c’est de l’être malgré lui, à son esprit défendant pour être et demeurer dans le groupe, comme le démontre Jean Grimaldi d’Esdra dans son remarquable livre Banalité du conformisme.
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