Aymeric Chauprade : « Si on ne fait rien, les flux migratoires seront très importants »

Miniature interview chauprade

Le géopolitologue Aymeric Chauprade explique que deux visions s'affrontent en Europe : celle qui est soumise à l'émotion, qui oublie le temps long et les conséquences de l'immigration sur les générations à venir, et celle qui veut défendre son identité et sa civilisation en s'opposant à l'immigration.

 

 

La Lituanie et la Pologne font face à un afflux de migrants à leurs frontières, transitant par la Biélorussie. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

 

Nous sommes face à un fait migratoire géopolitique majeur, dans l’histoire des peuples et des civilisations.
Ce n’est pas quelque chose de nouveau. Aujourd’hui, il s’agit d’un nouvel épisode : les pays d’Europe centrale se protègent beaucoup plus que ceux de l’Europe de l’Ouest. Ils ont une vision pragmatique, réaliste et civilisationnelle du fait migratoire. Lorsqu’ils sont confrontés à des vagues de migrants, ils se murent. À l’échelle mondiale, un tiers des États ont érigé des clôtures, cela signifie que ce n’est pas inefficace : en Amérique latine, en Europe, en Turquie ou en Grèce.
Ce phénomène a augmenté au moment des flux migratoires, à la suite de l’effondrement de la Syrie, en 2015. En ce qui concerne la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, il y a, sans doute, un jeu avec l’arme migratoire, c’est-à-dire qu'un État utilise les flux de migrants pour punir d’autres États. La Biélorussie étant sanctionnée et isolée au niveau européen, elle cherche des mesures de rétorsion qui peuvent même porter sur des détournements de vols commerciaux pour exfiltrer des passagers recherchés.

 

Depuis quelques semaines, la Grèce, la Turquie et la Bulgarie ont renforcé leurs effectifs militaires aux frontières pour pallier un potentiel afflux de migrants afghans. Une vague migratoire est-elle possible avec la prise de Kaboul par les talibans ?

 

Si on ne fait rien, les flux seront très importants. C’était le cas, en 2015. En Turquie, il y a déjà plus de 180.000 Afghans qui ont un statut légal. Les Turcs ont raison de ne pas vouloir en accueillir davantage, tout comme les pays d’Europe centrale.

Il y a deux camps, dans l’Union européenne : celui qui est soumis à l’idéologie immigrationniste et à l'émotion en oubliant les conséquences qu’ont les migrations pour les générations à venir. C’est le cas de l’Europe de l’Ouest, qui est toujours dans le compassionnel et veut accueillir des migrants alors qu’il y a une différence de culture et de civilisation extrêmement importante. De l’autre côté, il y a les pays d’Europe centrale - la Pologne, la Slovaquie, l’Autriche, la Slovénie, la Hongrie - qui sont membres de l’Union européenne mais veulent défendre leur identité et leur civilisation. Ils sont très réalistes sur la question migratoire et ils se souviennent de ce qu’il s’est passé en 2015. Ils n’ont pas l’intention de laisser entrer les Afghans. On peut les remercier car, grâce à leurs clôtures, l’Europe de l’Ouest subira moins les flux migratoires. Ces pays font écran pour nous.

 

Aymeric Chauprade
Aymeric Chauprade
Géopolitologue

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