Avant la réunion des évêques à Lourdes, instrumentalisation par certains médias du rapport Sauvé
Voici que les médias, contrairement à leurs habitudes, s'intéressent aux travaux de la Conférence des évêques qui se tiendra à Lourdes, à partir de mardi. Ils soulignent que les 120 participants consacreront près de la moitié de leur temps à « la lutte contre les violences et les agressions sexuelles sur mineurs ». Le rapport Sauvé, publié le 5 octobre, a, en effet, révélé l'ampleur de la pédocriminalité dans l'Église catholique, depuis 1950. À lire certains commentaires de la presse, on peut cependant se demander si ce rapport n'est pas détourné à des fins qui n'ont rien à voir avec l'objet du scandale.
Ainsi, le journal La Croix, qui a commandé un sondage pour connaître l'opinion des catholiques, écrit, en introduction de son article : « Unanimement en colère et tristes, ils réclament du changement sur la gouvernance avec un meilleur partage du pouvoir dans l’Église, en faisant notamment davantage de place aux femmes. » De la colère et de la tristesse, soit ! Mais on ne voit pas a priori en quoi un autre mode de gouvernance permettrait d'éviter ces abus sexuels. À moins qu'on ne vise expressément les évêques, qui seraient des dissimulateurs, tandis qu'une Église plus démocratique et respectant la parité serait dans l'air du temps. On ne s'étonnera pas que Témoignage chrétien en rajoute, écrivant que « l’Église ne semble pas parvenir à éteindre l’incendie. Peut-elle d’ailleurs le faire sans revoir sa gouvernance – et donc les ministères ordonnés ? »
On ne trouve pas la même tonalité dans Famille chrétienne qui, dans son numéro du 11 octobre, a, plus honnêtement, donné la parole à l'auteur du rapport lui-même. Il rappelle que 95 % des membres du clergé sont à l'abri de tout soupçon et qu'un tiers des 330.000 victimes ont été agressées par des laïcs. Par ailleurs, il précise, sans vouloir minimiser le chiffre dans l'Église, que le nombre de victimes dans les écoles publiques, les internats publics, les colonies et centres de vacances, les activités sportives atteindrait les 350.000 à 400.000. Il confie que son rapport « est une bombe à fragmentation qui va toucher dans un second temps toutes les institutions ».
Autant dire que les abus sexuels sur mineurs ne sont pas l'apanage du clergé et qu'ils se produisent malheureusement dans tous les milieux qui sont au contact des enfants. Faut-il accabler l'Église plus que d'autres institutions, qui ont pratiqué et pratiquent encore l'omerta sur ces sujets ? La question de l'indemnisation devrait aussi être abordée. La commission Sauvé a proposé d’individualiser son calcul en fonction des « préjudices subis ». De l'argent permet-il d'effacer de tels actes ? On peut en douter. Quoi qu'il en soit, elle rejette l'appel aux dons des fidèles, préconisant de financer les indemnités « à partir du patrimoine des agresseurs et de l’Église de France ».
Les évêques, même s'ils ne montrent pas toujours l'exemple du courage, sauront sans doute prendre de sages décisions : on peut espérer que d'autres institutions suivront. Mais faut-il aller jusqu'à réclamer « la démission collective de l'ensemble des évêques en exercice », comme l'ont fait, lundi, dans une déclaration à l'AFP, François Devaux, cofondateur de l'association La Parole libérée, Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, et Anne Soupa, qui milite pour donner plus de place aux femmes dans la gouvernance de l'Église ? Cette revendication ressemble plus à un désir de mettre à bas l'Église qu'à la volonté de l'aider à se relever pour mieux accomplir sa mission.
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