Le centre de gravité de l'affaire Benalla s'est déplacé, depuis mercredi, de l'Assemblée nationale au Sénat. En effet, pendant que le Président Macron évoquait, tout agité, dans les Pyrénées, la chaleur estivale qui ferait dire des "fadaises" aux parlementaires, la commission d'enquête de l'Assemblée subissait une reprise en main de la part des députés La République en marche qui refusaient d'auditionner des personnalités que tous les groupes d'opposition avaient souhaité interroger, au premier rang desquelles le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler.

Mais il était un endroit où les esprits ne s'échauffaient pas : la commission d'enquête du Sénat, présidée par - ironie de l'Histoire - un autre secrétaire général de l’Élysée : le sénateur Philippe Bas, qui occupa la fonction auprès de Jacques Chirac de 2002 à 2005, et qui a fait dire au directeur de cabinet de l’Élysée, M. Strzoda, la révélation du jour : M. Benalla n'a subi aucune retenue sur salaire en mai dernier ! Le Président Macron a raison : il faut se méfier des chiffres et des informations qui circulent, y compris quand ils émanent de ses services. Ce sont parfois... des fadaises.

Alexis Kohler a donc repris l'argumentaire de défense systématiquement déroulé par toutes les personnalités auditionnées :
- contexte particulier des violences du 1er mai ;
- pas de raison d'actionner l'article 40 ;
- une sanction rapide et proportionnée ;
- démenti de toute participation d'Alexandre Benalla à des responsabilités de sécurité du Président.

Il l'a repris, avec le flou et la hauteur de celui qui a laissé ses subordonnés déblayer le terrain.

Mais les sénateurs ont de nouveau posé les questions qui fâchent, les contradictions ténues de toute cette affaire :
- le port d'armes ;
- l'ambiguïté de la fonction de M. Benalla, chargé et pas chargé de la sécurité du Président ;
- l'absence de retenue sur salaire effective ;
- l'action et les fonctions de M. Benalla à son retour le 22 mai.

Pendant deux heures, les Français ont donc pu découvrir celui que le président de la République appelle « mon second cerveau ». Et ils auront pu pointer les ressemblances de ton, de style, l'agacement, et la pointe de mépris aussi, commun aux deux hommes quand on ose lui demander des comptes – et « on », ici, c'est le Parlement et, derrière lui, les Français.

Et puis, patatras, pendant qu'Alexis Kohler, reprenant le refrain lancé, il y a deux jours, par M. Macron d'un Benalla qui donnait satisfaction, qui ne posait aucun problème, le même Benalla donnait une interview explosive au Monde, commençant à déballer les « frictions » qu'il occasionnait : "J'emmerdais beaucoup de monde."

Mais à voir l'énarque Kohler persévérer dans l'éloge de la « diversité » de ce « profil différent » au moment où celui-ci, en véritable électron libre qu'il n'a jamais cessé d'être, étale sa version des choses dans la presse, on est pris d'un doute : la promotion de la diversité occupe-t-elle, dans le cerveau de nos énarques si rigoureux et si performants de l’Élysée, une place telle qu'elle les aveugle en les poussant à mettre en péril le fonctionnement de l’État ? Quelle étrange fascination...

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26 juillet 2018 à 12:48

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