La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre un avis consultatif au sujet des enfants nés d'une GPA à l'étranger. Pour Aude Mirkovic, cet avis, qui n'oblige pas les États à transcrire l'acte de naissance sur le registre d'état civil, n'est pas complètement satisfaisant. Explications au micro de Boulevard Voltaire.


La Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu son premier avis consultatif sur la GPA. Les États n’ont pas l’obligation de procéder à la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger pour rétablir son affiliation avec la mère d’intention.
Pouvez-vous nous expliquer ?

Concrètement, lorsqu’un enfant nait à l’étranger de la gestation pour autrui, son acte de naissance est dressé dans son pays de naissance. Il a donc un acte de naissance étranger sur lequel figurent comme parents, selon les cas, le père biologique et la mère porteuse ou le père biologique et aucune mère ou parfois, le père biologique et son épouse qu’on appelle la mère d’intention.
En effet, ce n’est pas la mère, dès lors que, par définition, elle n’a pas mis l’enfant au monde. L’enfant a été mis au monde par la mère porteuse.
Quand ce couple revient en France avec l’enfant, il demande la transcription de l’acte de naissance sur le registre français d’état civil.
La Cour de cassation refuse cet acte parce qu’il est contraire à la réalité. En effet, inscrire sur un acte de naissance en France une femme qui n’a pas mis l’enfant au monde, c’est non seulement interdit, mais c’est une infraction pénale. La loi interdit d’inscrire une autre femme que celle qui a porté l’enfant. Cette disposition a vocation à protéger l’enfant contre les trafics de toutes sortes et à protéger sa filiation.
Le seul moyen d’attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui ne l’a pas mis au monde, c’est l’adoption. L’ adoption permet au juge de vérifier que l’enfant n’est pas issu d’un trafic et qu’elle est conforme à son intérêt.
La Cour de cassation a demandé à la Cour Européenne des Droits de l’Homme l’autorisation de faire des faux en écriture publique. Elle souhaitait écrire ab initio sur l’acte de naissance de l’enfant une femme qui ne l’a pas mis au monde.
La Cour européenne a dit que les Etats n’avaient pas l’obligation de le faire. Encore heureux ! Il ne manquerait plus que ça !
La stratégie consistait à poser une question aberrante à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Elle répond ‘’ non, vous n’êtes pas obligé de faire cela ‘’. On a l’impression qu’elle laisse aux Etats, le pouvoir de décider ce qu’ils veulent en disant ‘’ vous n’avez pas l’obligation de transcrire’’. Mais elle s’empresse d’ajouter que les États ont l’obligation de prévoir un moyen pour que la mère d’intention voie sa maternité établie vis-à-vis de l’enfant.


Oblige-t-elle les États à reconnaître les enfants nés par GPA ?

Elle n’oblige pas les États à transcrire les actes de naissance directement. Mais elle admet la possibilité pour la mère d’intention d’adopter l’enfant.
C’est du cas par cas. Le juge saisi de la demande d’adoption va pouvoir contrôler que cette adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme parle de la reconnaissance de la filiation de l’enfant.Or, il s'agit de la filiation que les adultes ont décidée pour l'enfant, après avoir bricolé entre eux et par contrat.
À l’origine, la femme qui a commandité la GPA n’est pas la mère de l’enfant. Elle a négocié par contrat cette maternité. On parle donc de reconnaissance d'une filiation que des adultes ont négociée entre eux pour cet enfant.
Par ailleurs, cette reconnaissance n’a pas lieu d’être parce que le droit français a toujours reconnu la filiation qui découle des actes étrangers. La Cour de cassation l’avait dit explicitement.
Le fait que l’acte ne soit pas transcrit ne prive pas l’enfant de sa filiation étrangère.
Cela fait 20 ans que des parents d’intention exercent l’autorité parentale. Elle n’a jamais été remise en cause. L’idée que l’enfant serait sans filiation est erronée. Ce n’est finalement qu’un prétexte pour obliger petit à petit le droit français à intégrer la gestation pour autrui.


Elle confirme la souveraineté des États tout en construisant les premières ‘’planches’’ du cheval de Troie...

Elle confirme la souveraineté des États sur la transcription, mais elle les oblige à prévoir une possibilité d’établir, en droit interne, la maternité de la mère d’intention.
Encore une fois, c’est purement idéologique. La maternité de la mère d’intention découle déjà des actes étrangers et elle est déjà fonctionnelle en France.
Ce que demandent ces commanditaires de la GPA, ce n’est pas l’établissement de leur paternité ou maternité. C’est déjà fait par l’acte de naissance étranger. Ce qu’ils demandent, c’est que la justice française valide et cautionne la gestation pour autrui qu’ils ont fait subir à leur enfant. C’est pour cette raison que c’est grave. La transcription, c’est le déni de la méconnaissance des droits de l’enfant qui résulte de la GPA.

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10 avril 2019 à 15:57

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