Au Brésil, comme en France, la réforme des retraites va enflammer la rue

vieux brésilien

Élu triomphalement, le président brésilien Jair Bolsonaro est aux commandes depuis cinq mois et demi, mais sa popularité est déjà en berne. Courageusement, il a voulu s’attaquer au problème des retraites, dont le déséquilibre est bien plus important que le nôtre. Au Brésil, il manquerait, en moyenne, dans les caisses de retraite, 27 milliards d’euros par an (1,6 % du PIB), alors que notre gouvernement s’alarme devant un déficit annoncé à 0,4 %, en 2024.

Le système brésilien est, comme le nôtre, basé sur la répartition : les actifs financent les retraites de leurs aînés. Le président Bolsonaro a, dans un premier temps, proposé de passer à la capitalisation, où chacun cotise pour soi pendant toute la durée de la vie active et touche les dividendes du capital qu’il a accumulé à la fin de sa vie. Ce système évite tout déficit public, mais il est souvent cruel, car comment trouver des placements qui soient pérennes et rapportent à coup sûr ? Aux États-Unis, pays où la capitalisation est reine, combien de seniors se retrouvent ruinés, car ils avaient misé sur des actions d’entreprises qui ont fait faillite ?

Devant l’opposition unanime contre ce changement si radical, devant la tiédeur du Parlement, dont seulement 10 % des membres sont des soutiens inconditionnels du président Bolsonaro, le nouveau pouvoir brésilien a dû reculer. Son projet ne prévoit plus que 206 milliards d’euros d’économies sur dix ans, au lieu de 274. Il espère, ainsi, obtenir la majorité des trois cinquièmes des parlementaires nécessaire pour faire passer sa réforme, mais rien ne dit qu’il y arrivera. Car la rue et les syndicats sont vent debout contre le tour de vis sur les retraites. Après les manifestations monstres en faveur de l’éducation qui ont secoué le Brésil à la mi-mai, de nouvelles actions encore plus massives sont en train de se mettre en place, alors que s’ouvre la Copa América, la compétition de football qui fait vibrer le continent américain et qui se déroule, cette année, au Brésil. Les transports d’une centaine de villes sont bloqués, ou tout au moins ralentis. À São Paulo, une ligne de métro était à l’arrêt, tandis que les trois autres étaient perturbées, mais les autocars et les trains fonctionnaient normalement. À Bahia, le métro fonctionne normalement, mais ce sont les bus qui sont ralentis. Comme souvent dans ces mouvements sociaux, la population hésite entre soutien total et opposition aux blocages si nuisibles à l’économie.

En France, Jean-Paul Delevoye peaufine ses propositions. Pour l’instant, rien ne bouge, car le médiateur prétend que rien ne changera. Quand son projet sera dévoilé, au cœur de l’été, les illusions tomberont. Il y aura, nécessairement, des perdants, les veuves, les professions libérales et les enseignants faisant sans doute partie des catégories qui seront sacrifiées. La contestation montera alors en flèche. Au Brésil, la pression de la rue risque d’être gagnante et de repousser toute réforme sérieuse du fait de la tiédeur du Parlement. En France, LREM et le MoDem étant largement majoritaires à la chambre des députés, la réforme des retraites sera adoptée quelle que soit l’ampleur des manifestations.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:55.
Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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