Retour à Hollywood. Et revenons sur la chasse au Donald Trump de ce début janvier. On aurait pu crier « Haro sur le baudet » s’il eut encore été démocrate et qu’à l’Actors Studio on eut enseigné La Fontaine. Mais comme il est républicain, on dira « Mort à l’éléphant ». Bien que le pachyderme soit un animal protégé, toute la jet-set, de Pasadena à Tribeca – les Spike Lee, Jordan Peele, Macaulay Culkin et autres Lady Gaga – s’est essayée au coup de carabine assassin.

Peut-on dire du maître de Brentwood, Californie - j’ai nommé Arnold Schwarzenegger -, qu’il est de ces braconniers fratricides ? Par vidéo interposée, il vient, ce 10 janvier, donner le coup de grâce à celui qui le raillait naguère pour ses mauvais résultats d’Audimat avec The Apprentice. À l’épée ! Faciès de pitbull sur le retour, nom à coucher en salle de garde autrichienne, mais pedigree impressionnant quand même : magnat de l’immobilier, acteur, producteur et surtout… 38e gouverneur républicain de Californie, pendant sept ans ; deux mandats successifs. À défaut de la Maison-Blanche par obstacle constitutionnel (la Constitution américaine stipule, en effet, qu’il faut être né sur le sol américain pour être candidat).

De fait, plus que ce combat d’ego médiatique, tout sépare les deux lutteurs, hormis l’âge et la corpulence. Trump, l’héritier, en partie WASP ; Schwarzenegger, l’immigrant, miroir du rêve américain. L’animosité – partagée – de « Governator » pour Donald Trump n’est pas un caprice. Leur relation, que le premier qualifiait volontiers d’amour vache, est devenue, en quelques mois, détestation. Des propos orduriers anciens de Donald Trump contre les femmes, tactiquement divulgués par le Washington Post en 2016, ont servi d’alibi à de nombreux ténors républicains pour prendre leurs distances avec l’affairiste clivant. « Pour la première fois depuis que je suis devenu citoyen américain, en 1983, je ne voterai pas pour le candidat républicain à la présidentielle », avait alors prévenu « Schwarzy ».

Le rush sur le Capitole des partisans de Trump, le 6 janvier dernier, a, semble-t-il, choqué son légalisme d’assimilé. Dans la vidéo postée sur son compte Twitter, il accuse le président sortant d’avoir voulu organiser « un coup d’État ». Comparant l’intrusion de la foule aux déchaînements nazis de la Nuit de cristal (1938), il insinue un même ordre pervers de manipulation. Après, on croirait John Wayne-Crockett à Alamo dans sa tirade républicaine. Mais là, pour défendre la démocratie, c’est Arnold-Conan, l’épée à la main ! Qui dit à ses compatriotes : « L'Amérique reviendra de ces jours sombres et fera à nouveau briller notre lumière. » « Nous ressortirons plus forts » poursuit-il, nietzschéen, appelant à l’unité nationale autour de Biden, nouveau président légitime. Et de conclure, bien sûr : « May God bless America. » Bref, union dans la fédération, rejet du mensonge et de l’intolérance.

Après en avoir lui-même subi les conséquences – avec un père NSDAP, héros de guerre brisé, devenu alcoolique et violent –, Arnold Schwarzenegger croit-il vraiment aux dérives nazies du trumpisme et aux risques putschistes ? Sans doute les violences suprémacistes de Charlottesville, en 2017, et les tergiversations du président à ne point les condamner assez clairement l’ont-elles déterminé en ce sens. Jusqu’à la guerre ouverte.

L’image publique de ses débuts l’a fait considérer, à tort, comme le parangon de l’idéal réactionnaire et ce n’est pas un hasard si, barbarie agissante, les nervis de l’Amérique de la repentance Black Lives Matter d’aujourd’hui exigent qu’il change de nom (Schwarzenegger signifie « nègre noir). Car, Conan de cinéma (1982), n’incarnait-il pas, pour le populaire des années Reagan, ce mâle blanc de moins de 50 ans – à l’apparent QI d’une huître de la Baltique, certes –, mais hétéro, athlétique et qui décapitait un Noir libidineux et fourbe, sinueux comme un serpent et, qui plus est, tueur de femmes ?

Or, loin du portrait brutal et figé des personnages fictifs, dont il joue habilement, produits du reaganisme culturel qu’il a pu incarner et qu’il revendique, les engagements de « Schwarzy » le classent, après quarante ans d’un parcours éclectique, dans le camp des républicains progressistes. Son jugement final sur Trump est impitoyable : « Le président Trump est un leader raté. Il restera dans l'Histoire comme le pire président de tous les temps. La bonne chose est qu'il sera bientôt aussi insignifiant qu'un vieux tweet. » Par Crom ! Quoi qu’on en pense, notre Terminator 2021 est un vrai politique.

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18 janvier 2021 à 9:58

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