Après le pangolin, le Nushu ?

Nushu

Après le marché aux gamètes, la féminisation de notre langue. Parce que « les stéréotypes masculins, terreau du sexisme, sont profondément ancrés dans notre société et s’expriment dans la langue et la grammaire », après la mode voyelle (au sens derridien) de la lettre e - et peu importe que le genre grammatical ne soit pas le sexe -, l’inclusive « s’invite dans le débat », comme l’avait dit, de la GPA, le garde des Sceaux. À notre corps défendant.

L’écriture inclusive consiste à inclure le féminin, entrecoupé de points, dans les noms pour redonner aux femmes une visibilité occultée par la masculinité. Les nouveaux claviers d’ordinateur sont déjà armés du point médian. Un marché ! « On y pense depuis quarante ans », dit Éliane Viennot, « professeuse » émérite de lettres modernes qui fait la loi en haut lieu. Compliqué, stupide, dangereux ? « Bégaiement cérébral », avait « taclé » un académicien. L’impossibilité de prononcer les mots écrits, la coupure entre oral et écrit , vingt siècles de haute littérature méritent bien qu’on passe à l’inclusive. Imposée à l’université, elle « s’invite » au jardin d’enfants.

Après la sexualisation des mots, les néologismes en « globish », restait à entrer dans le disque dur de la grammaire. L’accord du participe après l’auxiliaire avoir est un morceau de choix. Viennot, trouvant sa règle mortifère, certains professeurs, sur le retour, prônent la suppression de cet accord « voyou ». Sous la houlette inclusive, on écrira donc, sans la dire, la phrase suivante : « Les vacances que j’ai pris, totalement fous/les, ou beaux/elles/lles furent épatant/e/s ». C’est compliqué ? C’est que, dit Viennot, l’inclusive, ça s’apprend ! D’où la question posée dans Le Point : faut-il l’enseigner à l’école ?

Madame Bachelot, parlant, avec prudence, de « démarche élitiste », dit sa préférence pour « une écriture démocratique ». Monsieur Blanquer lui emboîte audacieusement le pas : il est contre. Un professeur de faculté dénonce, lui, un « procédé à visée totalitaire », une idéologie féministe sans précédent destinée à instrumentaliser la langue. L’ordonnance de Villers-Cotterêts, rappelée, il y a peu, sans trompette médiatique, par le Premier ministre Philippe, ne bannit-elle pas l’écriture inclusive car « non claire et compréhensible » ? Aussi bien Mme Bachelot affirme-t-elle, avec une pudeur de gazelle, qu’il s’agit « d’une écriture horriblement compliquée ».

Vous connaissez le nushu, ce système de signes, destiné exclusivement aux femmes, autrefois transmis aux petites filles sans instruction ? Ce dialecte, disparu, renaîtrait de ses cendres grâce à une professeur d’université de Pékin. Langue entièrement positive, on ne remarque, dans les poèmes et les récits autobiographiques écrits en nushu par des femmes pour exprimer leurs sentiments à l’insu des hommes, aucun sentiment négatif ni pulsion morbide. Aussi, cette lingua femina est-elle vue par un linguiste chinois comme « un instrument précoce de libération des femmes ». Ce projet, hébergé par Zhao Liming Talkmake, système linguistique éducatif basé à Pékin, élabore une appli téléphonique. Le nushu a donc été intégré dans la norme informative Unicode. À quand, après le pangolin, le nushu ?

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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