Amélie de Montchalin refoulée d’un avion : les arrangements de Libé avec la vérité

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Il y a plusieurs façons de prendre cette « affaire » qui a tourné sur les réseaux sociaux, ce 25 décembre, sous les hashtags #MontchalinGate ou encore #MontchalinDemission. Affaire avec beaucoup de guillemets, convenons-en, car il n'y a ni mort d'homme ni détournement de millions. Seulement quelques petits arrangements avec la vérité, d'une part, par un ministre en vue du gouvernement Castex, d'autre part par un journal - Libé - qui s'est fait une spécialité de traquer certaines « fake news » via sa rubrique « CheckNews ».

Par où faut-il commencer ? Par le parcours du combattant administratif d'un ministre souhaitant passer Noël en famille en Haute-Savoie et prenant, par conséquent, un avion pour Genève. Un ministre qui se heurte à la complexité changeante des règles sanitaires mais qui, contrairement à vous et moi, dispose d'un cabinet pour être irréprochable. Ledit cabinet a d'ailleurs argué de cette complexité dans ses explications à Libé : « Il se trouve que les conditions pour voyager peuvent changer assez rapidement en fonction des pays ou des compagnies. On a donc demandé à l’ambassade si Amélie de Montchalin avait besoin de faire un test ou si le passe sanitaire suffisait, puisqu’elle ne faisait que passer par Genève, comme beaucoup de frontaliers. » Au passage, on devrait peut-être tous appeler pour savoir si notre dose, c'est à 3, 4 ou 5 mois. Notre isolement à 5, 7, 10 ou 17 jours. Notre entrée au café avec passe ou passe + test… Ce serait donc l'ambassade de France qui aurait indiqué au cabinet qu'il n'y avait pas besoin d'ajouter le test au passe, pour faire vite. Quiconque transite par Genève sait que c'est bien le menu test ET passe qui est servi à tous. Légèreté de l'ambassade ? Sentiment que, pour une VIP, la règle helvète pourrait s'assouplir ? On ne saura certainement jamais et peu importe.

Mais toujours est-il que, non testé, le ministre a bel et bien été refoulé du vol qu'il voulait prendre. Traduit par son cabinet : « Arrivée à la porte d’embarquement à l’aéroport [de Roissy], on lui a signifié qu’il fallait en fait un test antigénique. Elle est donc allée en faire un à l’aéroport, et a pris le vol suivant, environ une heure plus tard, en prenant un nouveau billet. »

Sur Twitter, c'est Jacques Clostermann, ancien pilote de chasse et pilote de ligne, qui, le premier, a levé ce lièvre du 25 décembre, pensant d'abord que le ministre n'avait pas de passe. Libé s'est immédiatement jeté sur lui, se contentant de relayer les dires du cabinet du ministre. Ce qui pose question sur la déontologie du fact-checking. La dernière version mise en ligne par Libé est bien obligée d'énumérer les mensonges du cabinet : « Problème : cette présentation des faits omet une partie de l’histoire, sur laquelle le cabinet a complètement changé de version. Dans un premier temps, celui-ci a expliqué à CheckNews que la ministre “n’est jamais montée dans le premier avion, et n’a donc évidemment pas été débarquée”. Relancé ce vendredi 24 décembre par CheckNews, le cabinet a, dans un premier temps, légèrement fait évoluer sa version, expliquant que “tout s’est passé entre la porte de l’embarquement et la porte de l’avion, avant que l’embarquement ne se termine”. Et non plus uniquement en porte d’embarquement. Quelques minutes plus tard, le ministre a finalement personnellement donné sa version des faits, confirmant être monté puis descendu de l’avion (et contredisant donc les deux premières versions données par son propre cabinet). »

Et c'est donc bien Jacques Clostermann qui avait raison : « J’ai eu le commandant de bord au téléphone, qui était très remonté. La ministre a bien été débarquée. Aucune fake news ici. »

Peut-être que nos distingués fact-checkers se seraient évité cette humiliation journalistique s'ils n'avaient pas pris spontanément pour parole d'évangile la version ministérielle ? Et tout aussi spontanément mis en cause celle de Jacques Clostermann, qui avait visiblement une meilleure source ? Mais il est vrai que ce dernier s'affiche comme « patriote » et « gaulliste » sur Twitter et, surtout, qu'il fut cofondateur du Rassemblement Bleu Marine avec Gilbert Collard, ce qui vous disqualifie automatiquement.

Toujours est-il que la morale de cette histoire est limpide, et le député européen Thierry Mariani l'a parfaitement formulée :

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Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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